Rêves, espace et temps

L’espace-temps est une représentation mathématique de l’espace qui nous entoure et du temps qui passe. L’inséparabilité de ces deux concepts n’est pas toujours constante chez certains rêveurs. On note parfois des connaissances de la Physique se manifestant au-delà de l’enseignement universitaire ou scolaire qu’ils ont reçu.
Ici, nous verrons comment le soi se définit dans le cadre de l’espace et du temps sous différentes approches oniriques.

 

Le rêve qui va suivre est rapporté par une patiente qui exerce la profession d’expert comptable. Elle possède des connaissances scientifiques.

Rêve :

« J’évolue dans un référentiel qui conjoint espace et temps ainsi reliés l’un à l’autre. Je vis par rapport au temps des événements me ramenant à une certaine époque. Ces événements s’inscrivent dans un lieu qui lui même comporte d’autres événements qui alimentent cette notion du temps ; symétriquement, je passe dans des événements (temps) et lieu (espace). L’espace alimente le temps.

A force d’avancer dans un monde à deux dimensions… Ce serait à l’instant présent, à tel endroit.
C’est un point, c’est une dimension, ici, maintenant. La deuxième dimension c’est « avancer un peu » : le futur proche ? La troisième dimension, c’est le recul que donne le passé. »

C’est vertigineux. Ça alimente cette notion d’infini. A mon niveau psychologique, ça freine.

Tout ça donne un cube fermé, un référentiel à trois dimensions.
Une droite : une dimension. Une surface, deux dimensions. On se déplace à plat sur une surface.

Il y a trois dimensions : un axe horizontal, un axe vertical, et le troisième axe c’est la profondeur. Moi qui ai une dimension d’enfermement comme dans un cube, je vis et j’ai besoin d’infini.
Au-delà du cube, je porte l’histoire de ma mère, de ma grand-mère. Au-delà du cube, il y a une évolution dans le temps et dans l’espace. Cette dimension évolue avant ma naissance, et après. Il y a des traces portées par le temps.
Un cube, dans un autre grand cube ? »

Commentaire : 

 

 

Durant cette séance, la patiente fait évoluer sa définition de l’espace-temps.
Elle se situe d’abord sur une ligne représentant le temps. Elle est dans le présent, coincée entre les infinités du passé, et du futur.
Ensuite, elle introduit la notion d’espace en rajoutant deux dimensions à son référentiel, puis une troisième dimension.

On entendra que la rêveuse se place dans un référentiel cartésien, qui évolue au cours du temps. Elle rapporte aussi le vertige procuré par la notion d’infini.

En mathématiques, un système de coordonnées cartésiennes permet de déterminer la position d’un point dans un espace affine (droite, plan, espace de dimension 3, etc.) muni d’un repère cartésien (définit par ses unités).

La patiente formalise sa vie comme un cube dans ce référentiel : dans un repère cartésien, un cube est définit par un couple de points : un point d’origine (ici, la naissance) et un point de fin (la mort). Ce cube représente l’espace occupé par la patiente dans le temps. De cette manière, on peut définir l’emplacement de l’individu dans l’espace à un instant t.
Si on représente la vie d’un individu comme un cube dans l’espace-temps, la patiente et les interactions qu’elle a avec les autres, sont des intersections de ces cubes : à un instant donné, et un emplacement donné, elle vit le présent avec une ou plusieurs personnes.

Selon la patiente, cet infini, bien que vertigineux, est nécessaire pour se défendre de l’enfermement de son être : l’infini est une échappatoire à la finitude de son être.

Lors d’une autre séance elle abordera cet notion d’infini comme un absolu :

Rêve :

« C’était l’été. Je prenais un bain dans l’océan Atlantique. Une sensation de bien-être. Rien dans un tout. Sensation d’être en s’oubliant. Être dans l’univers, dans quelque chose qui nous dépasse. Un besoin comme de se fondre dans l’immense, avec dépouillement absolu en communion avec l’absolu. A la fois, pas grand chose, et tout. »

Association d’idées :

« J’aspire à retourner dans l’espace, dans le temps, un monde vierge, idéal.
J’aspire à la simplicité. Un fil linéaire…
J’ai la certitude d’avoir vécu l’intensité de la légèreté. Un ressenti libre et protégé. J’aimerai rentrer dans mon monde intérieur. Il est parallèle aussi, ce monde.
L’écrire ? Donner du sens à l’être. L’être c’est l’empreinte du temps et de l’espace. Il est imprégné. Pour l’être de l’individu c’est au delà de son propre vécu. Il porte en lui générations et générations. La page blanche n’existe pas. Peut-être qu’on a tous des empreintes communes. On a tous la même histoire en partie. Ça se rejoint quand on est dans le passé, ou le futur.
Dans un monde sans limite, non connu. Il y a une façon de s’en sortir de cette dimension espace-temps, son opposé serait l’apesanteur. Il n’y a plus de pressions, plus de repères.Tout est toujours partout, et plus rien n’est nulle part. Il n’y a plus que l’esprit en apesanteur qui pense. »

Commentaire :

Elle parle ici d’un idéal et revient sur l’infini (absolu). Le temps porte les « empreintes » de ces rencontres, les êtres sont imprégnés de ces instants d’interactions (intersections de cubes).

Son but est, ici encore, d’échapper à sa condition d’être fini en se débarrassant de la pesanteur de la conscience de soi : un retour à l’innocence de l’enfance ?

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Rêve d’un autre sujet :

« Je suis dans un espace comme dans un campus. C’est agréable. Tout d’un coup, par derrière moi, à coté de moi ? Quelqu’un tient un paquet de papiers écrits et épars. Il me les tend. Il me dit que j’avais oublié de les trier ; c’est comme si je les reconnaissais. Au moment ou je les prends, il disparaît, devant ? ou derrière ? »

Association d’idées :

« Je les reconnaissais ces papiers. Sans les connaitre. Il fallait donc les avoir connus. On peut tracer le chemin, et le retracer. Je n’ai pas le temps de pouvoir faire le chemin toute seule. Cela ne peut se dérouler que par vous qui êtes là : vous êtes le présent. Une présence, présente.
Je me demande si passé et futur ne se rencontrent-ils pas dans le présent. »

Commentaire :

Il y a confusion dans l’espace (on ne sait pas définir où se trouve l’autre personne) couplée à une confusion dans le temps : ici le temps n’a pas autorisé l’imprimatur des papiers. Comme si le temps n’avait imprégné uniquement que le subconscient du rêveur, mais pas sa mémoire.

« Vous êtes le présent » fait écho à la phrase « Je n’ai pas le temps de pouvoir faire le chemin toute seule. » Ces deux propositions établissent la présence de l’analyste comme un médiateur dont l’aide est extemporanée.  

 

Autre séance d’un autre sujet :

« Je suis arrivée ici avec des trous dans mon temps. Ici, à certains moments, on bâche, et on fait émerger du trou, par exemple, comme le souvenir de mon jumeau mort. Le trou a été rempli. Ces mouvements vont faire qu’il y a un ensemble. Un bonheur de n’être que dans le présent. Alors, je suis avec vous, ou plus. Ce moment là recouvre le tout. Il n’y a plus, ni présent, ni passé. Il n’y a plus que du présent. Je suis très bien. Ça recouvre tout. C’est un présent qui s’arrête. Il devient passé, et il n’est pas futur. Il y a un ressenti affectif qui crie, pousse, me pousse à recouvrir tout le reste. C’est un ressenti qui a du mal à sortir.

Du coté du temps, il y a « être avec » et des séparations alternées. Ces alternances peuvent être recouvertes d’un présent continu.
Du coté de l’espace, c’est un peu la même chose. Il y a des alternances. On peut être sur le même chemin, et à coté. Il y a quelque chose qui recouvre ça, c’est demeurer ; il n’y a plus alors alternance de « être avec », séparer, marcher à coté, mais il y a au dessus, un espace avec demeurer.
Simultanément, je relie l’alternance recouverte par un présent continu. L’alternance est recouverte par demeurer et ce, par rapport au temps et à l’espace. Demeurer est un présent continu. La manière de dépasser la séparation, c’est de n’être que dans le présent et demeurer.
Tout ça conduit à l’UN, mais quelque part, on refuse. »

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Commentaire :

La patiente hisse son propos vers une création incluant l’espace, le temps, le présent, le futur, la simultanéité, la permanence. Le désir de faire partie d’une entité unique est constant chez tous les rêveurs se situant dans le cadre de cette étude. Le souhait transférentiel d’un rapproché privilégié avec l’analyste est ici dépassé au bénéfice de la PERMANENCE. La permanence procède de manere (rester, demeurer) et signifiant « demeurer d’un bout à l’autre ». La prise de conscience de cette permanence doit se faire dans l’instant présent. La patiente réalise que ni le passé, ni le futur, lui apporteront le bien être qu’elle recherche sauf dans l’instant.

Une autre patiente étaye le propos précédent.

Association d’idées :

« Être par l’esprit… une abstraction ? Si il n’y a que l’esprit, est-on vraiment ? Ça rejoint quand on est dans le passé ou le futur. Il y a 100 ans je n’étais pas. Dans 100 ans, je ne serai pas. Maintenant, je suis par rapport à ce qui m’entoure. Demain, par rapport à l’environnement. Ne suis-je que dans ces pensées qui moulinent dans ma tête ? »

Commentaire :

La patiente souligne (de façon plus explicite) la validité de l’instant présent. Elle détache la nature charnelle de son existence, et la définit uniquement par ses pensées.

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En s’attardant sur les différentes approches de l’espace et du temps par certains rêveurs, il nous arrive de diverger vers l’inopiné, comme ci-après.

Rêve :

« Je suis dans un espace noir indéfini. A la limite avec « il ». ‘ »Il » me voit. J’essaie de cacher cette source de lumière plus large. « Il » vient vers moi, vibre avec moi dans cet espace infini noir. Je n’arrive pas à « le » voir… Insaisissable. Je peux pas « lui » mettre une personne dessus.
Cet espace noir est archaïque… Définir des lignes blanches… C’est très agréable, très aérien, « il » nous englue. »

Association d’idées :

« Un jour, je suis rentrée dans une chapelle. J’ai parlé à haute voix… Quelqu’un était là… Apaisée… Quelqu’un divin ?
C’est dans l’intimité des choses, que je réalise l’infiniment grand, l’infiniment petit… Humilité. Descartes a dit quelque chose comme ça : « L’infini du monde dans un Siron. » (NDLA : petit insecte)

Elle s’arrête de parler et déclare :
« J’ai chaud partout. »

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Commentaire :

On a dans le rêve tous les ingrédients d’une scène primitive (vision par l’enfant d’une relation intime des parents. L’enfant imagine souvent une agression du père sur la mère).
On pourrait imaginer ici une scène primitive « sublimée », un père aimant venant au secours de sa petite fille réveillée, et la calmant. Toutefois, le survenu de « il » et la chaleur du ressenti physique, ouvrent une voie fantasmatique sur le spirituel.

La patiente voit juste quand elle se remémore l’archaïsme de l’espace où elle se trouve : il est celui de la mémoire de tous les individus ayant assisté à la scène primitive. La vibrance de la scène sur l’excitabilité de l’enfant trouve aussi sa place dans cet espace originel.
La patiente ne s’expliquant pas la scène, recherche l’idéal de « il » dans le divin, là où la scène primitive donnerait une explication ordinaire.

Peut-être que l’idéalisation de la scène primitive est une des racines du spirituel ? Cette approche en hérissera sûrement quelques-uns. Leur indulgence prendra corps lorsqu’ils se pencheront sur le pêcher originel.

CONCLUSION

De ces rêves se dégagent certains constats. L’individu cherche à définir son existence par différents biais.
Certains approchent la problématique via une définition mathématique de leur existence (ils sont à tel endroit, dans tel environnement).
D’autres, se définissent par leurs empreintes dans le temps : on notera que leur raisonnement affine leur existence à l’importance de l’instant présent, en se débarrassant du passé et du futur.
Certains vont même jusqu’à se dégager de leur nature charnelle pour se condenser en esprit, en interrogations.

Le regard sur ces rêves est imprégné par la formation clinique, la culture, et l’expérience de l’observateur. Ce dernier a conscience de l’aspect réducteur de son regard. Critique à son encontre : il espère toutefois que de la convergence rencontrée dans les rêves observés, se sédimentera un espoir de l’homme face à la mort. Le désir de ne faire qu’un et de se fondre dans l’unité est une constante de l’humain.

Rêves et Lumières

La relation de la lumière avec le divin ou le mystérieux est inscrite de très longue date ; parmi la multitude des liens historiques on retiendra Râ, la place du soleil dans la mythologie Égyptienne, Akhen-Aton, le tonnerre de Zeus, les fils de la lumière biblique. La lumière est le véhicule relationnel avec le céleste, les apparitions, les hallucinations. Les rêves ici collectés proviennent d’horizons divers, deux d’entre eux sont de la même source.

 Chemin lumineux

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RÊVE :

« Il y a des chemins différents qui ont entres eux des points de rencontres lumineux. »

Association d’idées :

« Ces points de rencontres sont suffisamment éclairés pour que l’on puisse penser que nous ne sommes pas seuls. »

Commentaire :

On trouve ici, ainsi que dans d’autres rêves, une lumière « phare » ou « repère ». La patiente rêve d’un éclairage extérieur à elle-même et illuminant les croisements des chemins. En déduction, la patiente éprouve un sentiment de solitude lorsqu’elle se trouve en dehors de cette lumière durant son cheminement.

Lorsque les rêves traitent de « Passages », la lumière joue un rôle majeur : elle rend les chemins praticables, et souligne la direction à prendre.
Ici la lumière sert de guide pour les différentes personnes parcourant les « chemins de la vie ». Elle est à la fois une destination à suivre pour la personne qui l’observe, et une révélation lorsqu’on l’a atteinte. De plus, cette révélation est partagée par les autres marcheurs ayant atteint le ou les points  de rencontre.

Le bâton lumineux

On notera ici, que la rêveuse possède des connaissance théologiques affirmées.
Elle fait des études dans ce domaine. Elle est très pratiquante de la religion catholique dans laquelle les références à la lumière sont nombreuses.

 

 

Rêve :

« Dans un endroit désertique, personne. Rien ne pousse. Terre jaune, je trouve un bâton, je le prends. Ce bâton devient très important. Il ne joue pas un rôle de canne, mais de lumière. Passe quelqu’un du désert, ou très habitué au désert. Il parle et me dit : « Fais attention ! Ce bâton n’est pas la Lumière. »

Association d’idées :

« Ne m’est-il pas dit dans ce rêve, qu’il faudrait être vigilante par rapport à une lumière qui serait un leurre si on la prend pour guide ? C’est un bâton-bougie et pas du tout le bâton de Moïse. Le rêve du bâton et de la lumière, je le vois comme : ne pas confondre des éclairages ou des lumières partielles avec la Lumière avec un grand L. »

Commentaire

Ici le bâton est « bâton-bougie » : sa flamme guide.
La patiente souligne la différence avec le bâton de Moïse qui guidait son peuple et accomplissait des prodiges. Par exemple : séparer les eaux. Ce bâton était surmonté d’un serpent avec toute l’ambiguïté que porte ce symbole.

La flamme de la bougie est ambiguë : elle symbolise la continuité par la transmission d’une mèche à une autre. Elle est aussi attirante par sa lumière, ceux qui n’y prendraient pas garde s’y brûleront les ailes. Elle offre un point de repère pour guider ceux qui cherchent à avancer.

Il est souligné que le bâton n’est « pas la Lumière ». Lucifer, le porteur de lumière (Lucie Phoros), est peut-être implicitement présent dans l’esprit de la patiente. Il est une « lumière partielle », que l’on suit en se méprenant, au détriment de la « Lumière ».

Ce rêve illustre, lui aussi, une lumière qui « guide », à plus ou moins bon escient.

Feux d’artifices

On retrouve dans le rêve suivant cette ambiguïté de la lumière observée.

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RÊVE :

« Je montre le tuyau de l’appareil pour l’apnée du sommeil de mon mari. Le tuyau est en train de grandir. Il atteint les arbres et se mélange à l’arbre. Cet arbre donne des fleurs ou des lumières, ce sont des feux d’artifices qui retombent. »
L’analyste : « Et cet arbre? »
La patiente : « C’est l’arbre de vie. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« Nous sommes dans le leurre. Le feu est d’artifice. Je suis contente que le leurre, l’artificiel, soit brûlé. […] On pourrait reconnaître qu’il y en a UN qui a l’initiative, c’est lui qui donne un éclairage vrai.

COMMENTAIRE :

La patiente, dans son association d’idées, fait la différence entre une lumière fécondante (les fleurs) et une lumière-leurre (les feux d’artifices). La patiente se réjouit de la disparition de ces lumières d’artifices pour que ne réside que la lumière « vraie » (divine ?).
Le souhait du rêve est de cliver l’artifice du naturel.

On notera l’intrication d’une interprétation Freudienne : le tuyau qui monte, la détumescence (ce qui retombe).

Les lumières peuvent être « guide », bonnes ou leurres, divines ou diaboliques.

Le cheval et la lanterne

cheval-lanterneCe rêve, dans sa forme, ressemble à un haïku.
Entre les lignes du rêve, apparaît la relation entre le patient et Docteur H.

RÊVE :

« Il y a du brouillard. Je suis sur mon cheval et vous à coté avec une lanterne, pas pour me guider mais pour m’éclairer. C’est vous qui mettez en lumière. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« La lumière n’est pas seulement la connaissance, c’est aussi la chaleur et l’éclat. Il y a manière de regarder, mais il y a aussi ce qu’on regarde. Y aurait-il une lumière qui ne rend jamais aveugle ? Comment la reconnaître ? »

COMMENTAIRE :

On note ici aussi une lumière-guide. L’analyste « met en lumière » le patient à l’aide d’une lanterne. Il lui permet de se regarder, de s’observer.

L’analyste est derrière son patient. Le désir du rêveur est peut-être d’avoir d’avantage le thérapeute à ses cotés. Ainsi, pourrait-il le voir dans une proximité rassurante. Le rêveur exprime aussi que l’analyste réponde à sa demande de prise en charge en devenant guide. Cette intention ne peut jamais être satisfaite : l’analyste reste neutre. Il n’est  pas présent pour « guider » : c’est le patient qui décide de regarder, ou non, ce qui est éclairé.

A noter aussi, que l’analysé enfourche un cheval qui le hisse à un niveau sus-jacent à celui de l’analysant : non seulement le patient jette un œil sur l’analyste, mais aussi ils marchent du même pas.
Ici, le patient tient les rênes, et demande que ce soit l’analyste qui fournisse l’effort.

 

La lumière est « guide » lorsque le regard du patient se contente du contenu manifeste. La trame manifestée n’est souvent perceptible que par l’analyste.
A certaines occasions, un jeu de lumières (reflets, miroirs, prismes, etc.) aide le patient à percevoir la trame manifestée de sa pensée. Le souhait du rêve est principalement transférentiel.

« Je t’aime. »

Dans certains rêves, les reflets d’un miroir offrent aux protagonistes une vision déformée, mais neuve, du contenu manifeste.

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RÊVE :

« Dans un contexte d’affolement, je rentre dans une pièce très grande, sans meuble. Cinq ou six enfants sont accroupis par terre, une femme est avec eux. Est-ce une classe ainsi réunie ? Devant eux : une grande glace. Les enfants sont très heureux. Ils m’appellent et me demandent de regarder dans la glace. Ils tiennent chacun un carton qu’ils présentent au miroir. C’est seulement quand on lit dans le miroir qu’on peut voir « Je t’aime ». Je les laisse à leur bonheur et vais retrouver les enfants dont je m’occupe. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« Au lieu d’un ensemble sans discontinuité, rêverai-je que chacun est UN entier ? »

COMMENTAIRE :

Un miroir est un objet possédant une surface suffisamment polie pour qu’une image s’y forme par réflexion et qui est conçu à cet effet. Il peut altérer aussi l’image qu’il reflète.

Le rêve n’étant pas explicite concernant la composition de la scène rêvée par la patiente, une première hypothèse serait de dire que chaque enfant porte un carton inscrit d’une lettre unique : c’est la recomposition des lettres dans le miroir qui constitue l’expression « je t’aime ».

Une autre hypothèse, serait de placer l’importance du rêve non pas sur ce qui est inscrit ou dessiné sur les cartons mais sur le sens global que le miroir renvoie.

Le souhait du rêve serait de recevoir de l’intention de chaque enfant, une réflexion chargée d’un sens universel : je t’aime.

Mèche de cheveux

Le miroir, par son reflet, révèle des messages, comme vu précédemment, mais aussi, ce qui est dissimulé.

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RÊVE :

« Je sors de chez le coiffeur qui m’a coupé les cheveux. En passant ma main, je découvre une grande mèche, non coupée, et qui a été cachée, cachée en dessous pour ne pas que ça se voit. Cela, je le découvre dans un miroir. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« J’ai la représentation d’une lame très belle, brillante, qui coupe une mèche. C’est du tranchant non affolant. Quelque chose de l’ordre du reflet et de l’éclatant.

La lame coupe la flamme de la mèche et la porte sur une autre mèche. Quand je prononce lame je dis aussi l’âme ? »

La séance suivante la patiente dira :

« J’ai cherché l’étymologie de « mèche ». Je suis perplexe. J’aimerai comprendre les sens aussi différents que « mèche de cheveux » et « mèche de bougie » : c’est le mot latin « mica ».

À une autre occasion, elle ajoutera à propos de ce rêve :

« J’aimerais que cette lumière reflétante et éclatante ne vienne pas de moi et quelle puisse éclairer toute partie de ma vie. »

COMMENTAIRE :

C’est en cherchant à « mèche » dans le dictionnaire qu’elle a trouvé une similarité entre « mèche de cheveux » et « mèche de bougie ». La similarité  d’origine est le mot latin « mica ».  Le « mica » est un minéral de structure feuilletée et brillante.
Cette racine linguistique renvoie à la « parcelle », la « miette », ou encore à la « particule ». Par extension, dans ce contexte lumineux renverrai-t-elle aussi à une particule de lumière : le photon ?

D’un point de vue anecdotique, dans une tribu de L’Atlas, les « chleuh », les hommes ont une mèche de cheveux très discrète pour que Dieu puisse saisir l’âme à la mort. Dans leur culture, la « mèche de cheveux » désigne très clairement un vecteur vers le divin, la lumière. La mèche est cachée au regard par sa petitesse.

Le transfert de lumière de mèche à mèche via une lame fait penser à la kabbale. En effet, la kabbale décrit l’âme se « cassant » comme la flamme d’une chandelle et en allumant une autre : une partie de l’âme est purifiée et « remonte » au créateur, l’autre revient dans le monde des vivants afin de réparer les fautes antérieurement commises.

La construction optique du rêve inclut un miroir : son reflet renvoie à la patiente un message net, mis au point. Sans cet accessoire, le message initial serait peut-être trop intense à regarder?

Dans sa dernière association d’idées, la patiente implique qu’elle est émettrice de lumière.

Révélateur, lumière blanche

joconde-negatifLe rêve suivant « éclaire » peut être la nature révélatrice présumée de la lumière. La patiente travaille dans une agence de publicité. Elle ne s’occupe pas de photos. Elle est croyante.

 

 

RÊVE :

« Je suis assise sur un divan. À ma droite et à ma gauche, deux hommes sur des fauteuils. Tout à coup, je deviens blanche et noire comme sous l’action d’un révélateur. Comme une photo, ça devient du positif vers le négatif. Ce n’est pas ma peau, c’est comme une aura : un changement d’éclairage. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« Être révélée ! quel bonheur. »
La patiente ne dira rien des deux hommes qui l’entourent.

COMMENTAIRE :

« L’aura » confère à ce rêve une portée inattendue si on l’entend comme son étymologie : souffle vital.

Le religieux entend par « révéler » : connaitre par une voie surnaturelle ce qui était ignoré des hommes et inconnaissable par la raison.

Ce rêve inclus aussi une transfiguration : donner une nouvelle apparence, transformer en donnant au visage un éclat inhabituel.

La patiente a un esprit religieux prononcé, les ingrédients pour annoncer une transfiguration sont présents. On pense à la Transfiguration du Christ. Episode de la vie de Jésus-Christ relaté par les Évangiles, il s’agit d’un changement d’apparence corporelle de Jésus pendant quelques instants de sa vie terrestre, pour révéler sa nature divine à trois disciples. C’est, selon le christianisme, la préfiguration de l’état corporel annoncé aux chrétiens pour leur propre résurrection.

Le désir du rêve s’éloigne-t’il de l’humour sexué de la rêveuse, « être révélée », pour un souhait spirituel latent ? Il est possible qu’elle se défende ainsi de son attrait pour une transfiguration d’ordre plus profond.

 

Certains rêves de patients sont composés de différentes scènes, chacune ayant son éclairage particulier. Les changements d’intensités de l’éclairage sont étroitement liés à la nature de la lumière qui compose la scène.

Cinéma

La personne qui fait le rêve suivant possède peu de connaissances en science Physique ou Optique. Les changements de lumières qui s’y opèrent sont notables.

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RÊVE :

« Je suis allée au cinéma avec mon mari. On est dans une église. Il y a peu de places. On est trop serrés. Je trouve cela insupportable. Les gens qui sont là sont tous apathiques. Aucun film n’est projeté. Je sors. Dehors, un temps superbe, un soleil magnifique, très fort. J’ai l’impression d’une réverbération avec, en même temps un éclairage très particulier. On ne saura jamais où se joue le film. La lumière ne peut pas être traduite, elle ne ressemble à aucune autre, c’est une lumière blanche. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« Ce n’est pas la première fois que je sépare dedans et dehors. Dehors ça bouge. C’est intense. »

COMMENTAIRE :

Un rêve de claustrophobe est envisageable : la patiente est serrée, il y a peu de place et décide de sortir face à la passivité imposée par les gens qui l’entourent.

L’intrication entre cinéma et église se fait autour de la Lumière : on se rend au cinéma observer des images projetées sur une toile par la lumière, comme on se rend à l’église pour trouver la lumière divine.
Ici, le « cinéma-église » ne projette aucun film : pas de lumière divine, ni de divertissement. C’est en sortant que la patiente rencontre une lumière blanche. Elle a du mal à la définir : elle la décompose en une « réverbération » et « un éclairage particulier ».
Dans son sens physique premier, la réverbération est une réflexion de la lumière par une surface qui la diffuse. Un soleil intense et réverbéré serait supportable : c’est « l’éclairage particulier » qui s’y ajoutant rend la lumière de la scène unique, à la limite du supportable.

Les références à la Lumière blanche sont multiples. Elles vont de sa définition Physique à la lumière blanche des expériences pré-mortem de Moody.

On appelle lumière blanche toute lumière dont la décomposition par un système dispersif (prisme, réseau) fournit un spectre continu (qui contient toutes les couleurs de l’arc en ciel).

On peut regarder quelques aspects de la lumière dans le champ spirituel ou anecdotique.
Nous rapportons une des expérience pré-mortem obervée par le Docteur Moody : « une lumière blanche qui rayonnait ; une lumière très belle, très brillante, irradiante. »
Un peu plus loin :  » la luminosité était prodigieuse, c’était d’un blanc étincelant […] l’amplification des couleurs. « 
Une patiente du docteur Ring décrit :  » la lumière était très très brillante, comme si le soleil s’était trouvé dans la chambre. On aurait dit que les couleurs étaient toutes éclatantes. Vous comprenez, comme si tout dégageait une lumière amplifiée. « 

D’après le Bardo Thödol, livre des morts tibétain, le défunt est comme  » enveloppé d’une lumière grise et brumeuse. Il quitte son corps. Il constate qu’il a un nouveau corps. Avec ce corps brillant, il peut traverser la matière, se déplacer instantanément.  »

L’église chrétienne professe à propose de la résurrection des corps, que « les justes seront revêtus d’un corps lumineux ».

Les références bibliques à la lumière sont nombreuses. On a choisit une sélection d’entre elles afin d’illustrer notre propos :
« [Le Verbe] était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant dans le monde. »
« Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vivant pas à la lumière […] Mais celui qui agit dans la vérité vient à la la lumière. »
« Je suis la lumière du monde : qui me suit […] aura a lumière de la vie »
« Marchez tant que vous avez la lumière […] Tant que vous avez la lumière, croyez en la lumière et vous deviendrez le fils de lumière. »
« Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, »
« une lumière venue du ciel enveloppa [Saul] de sa clarté »
« l’ange du Seigneur survint, et une lumière resplendit dans le cachot »
« Je t’ai établi lumière des nations »
« Une grande lumière venue du ciel m’enveloppa de son éclat »
« Je vis […] plus éclatante que le soleil, une lumière qui resplendit autour de moi. »

 

La foret magnifique

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RÊVE :

« J’étais dans une immense allée, une très belle image. Allée recouverte de feuillage, le soleil traverse de superbes plantes colorées. C’est superbe. Il n’y a personne dans cette allée.
Je dis mon envie d’y retourner encore comme si je l’avais connue. C’est inaccessible. C’est magnifique et très proche. Ça éclate de chaleur et de gaieté. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

Pas d’association d’idée. Un silence.

COMMENTAIRE :

Ce rêve fait penser au transcendant qui qualifie ce qui dépasse l’ordre naturel. La présumée connaissance préalable de ce lieu magnifique est de cet ordre, tel serait le souhait de ce rêve. Le transcendant renvoie entre autres au Religieux. La notion de passage se manifeste : l’allée en tonnelle.

Le souhait du rêve serait aussi d’atteindre l’inaccessible : le transcendant qui ne se révèle que par la lumière.

Combinaisons de lumières : Lucifer et les néons

La patiente qui rêve ci-dessous possède des connaissances en  Physique. Elle se déclarait agnostique.

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RÊVE :

« Je suis à proximité du bien. Il y a un mur couleur foncé… Lucifer… néon… extrêmement clair. C’était si lumineux ! C’est la lumière qui ne dévoile rien de beau de l’humain. Il y avait la lumière de la pièce et une autre lumière : celle qui éblouit et qui révèle, comme si il y avait là un secret qui n’est pas indécouvrable ; il faut savoir voir. »

ASSOCIATION D’IDÉES :

« Si une des lumières est Luciférienne, une autre serait-elle la Divine? »

COMMENTAIRE :

Le père de la patiente violait sa fille dans son plus jeune âge en  lui luxant la hanche. Il appelait parfois en témoin un jeune voisin schizophrène. On parla de suicide à  la mort précoce de ce dernier.

La patiente affirme ignorer que : Lucie (lumière) et phoros (porter), constitue Lucifer, le porteur de lumière. On retrouve dans le rêve les deux types de lumière rencontrés ailleurs : celle qui abuse et l’autre qui révèle. L’inconnaissable nommé dans le rêve est figure intégrante du transcendantal.

Les Freudiens verraient dans le secret à découvrir une scène primitive. Le diabolique serait ce qui s’y déroule.

Le souhait du rêve est de se hisser au delà de l’horreur et du sordide.

 

Conclusion

On note une lumière qui révèle, guide et essaye de séparer l’apparence du vrai. Elle peut aussi réalise des transformations voir une transfiguration.

La lumière, en tant que guide, offre au patient un but, un désir à réaliser ou à découvrir. Elle offre un chemin vers l’épanouissement personnel. D’autre part, la lumière, bien que guide, peut conduire aux ténèbres : certains y verront l’oeuvre du diabolique qui utilise la lumière afin de tromper ceux qui se laissent éblouir.

Loin du diabolique, on rencontre la référence à la particule, au grain sans jamais que les patients n’emploient le terme « photon ». La lumière est en effet intimement lié à la physique, plus précisément l’optique. Dans les rêves, elle reste soumise à certains phénomènes : la réflexion, la réfraction, la diffusion et autres chacun proposant des interprétations différentes des rêves. L’accessoire majeur rencontré dans les rêves des patients est le miroir.

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Lorsque la lumière est trop intense, une réflexion dans un miroir lui fait perdre de son intensité. Elle offre alors une perception nouvelle : le patient voit le contenu manifeste (la réflexion). La réfraction serait alors le message latent perçu par l’analyste. A lui de tenter d’éviter des distorsions perceptives d’interprétations liées à sa personne.

Parmi les penseurs de cette réflexion (optique) deux exemples :
le cœur (dans la pensée islamique (ghazâlienne) est un miroir. Ce cœur réfléchit la lumière fulgurante divine qui purifie les souillures du miroir.
Ailleurs, Thérèse d’Avila propose : l’absolu prend conscience de lui-même par sa réflexion dans l’humain, lui-même à l’image de Dieu.

Ces différents types de lumières, enfin identifiés, proposent faisceaux d’interprétations aux rêves dont la composition de lumières est complexe. Opposant parfois, sacré et diabolique, messages latents et manifestes, ces compositions poussent l’analyste à s’interroger à propos de l’interprétation à fournir.Il reste prudent.

« Il faut savoir voir. »