Un cas exceptionnel qui introduit la notion d’une doublure pour l’homme. Le cas de Madame R. (Article 1/4)

Madame R. consulte à 50 ans pour un mal-être non défini. Lors du premier entretien elle livre peu d’informations verbalisées. On apprend son veuvage précoce. Son mari militaire est mort au combat. Elle a eu deux enfants, vit pauvrement d’une pension militaire et de travaux de secrétariat dans une institution religieuse. Sa religion est d’un grand secours dans sa vie solitaire, ce pan de sa vie intérieure est très solide. Il occupe beaucoup de son temps.
Lors de cette première approche, la patiente reste pliée en avant, la tête sur les genoux. Ses mains cachent ses yeux. Lorsque le regard de l’analyste croise -rarement- celui de la consultante se déclenche alors une gestuelle de panique et de refus.

Un diagnostic probable d’hystérie de conversion est posé (la forme achevée d’un tel diagnostic est la cécité hystérique : une cécité sans aucune lésion de l’appareil oculaire). L’origine est névrotique (hystérique). Exemple : avoir vu par surprise une scène intolérable.
La fragilité de la patiente, l’axe solidement établi de sa religiosité font reculer l’analyste devant un équilibre sans doute fragile mais fonctionnel. Un refus de traitement formulé de façon aménagé est posé.

Un temps plus tard, la patiente demande un deuxième entretien, elle insiste pour entreprendre une thérapie. Lors de ce deuxième entretien, elle maîtrise les manifestations hystériques rencontrées antérieurement exceptées celles liées au regard. Après l’avoir éclairée sur les risques par elle encourus lors et après une psychanalyse, elle accepte d’entreprendre ce type de thérapie.

Rien de ce qui va suivre n’était apparu lors des deux premiers entretiens :

La patiente a été violée par son père et ce précocement dans son dans son histoire. Elle raconte un cataclysme, un déchirement, une déflagration, une terreur. Elle est incapable de situer dans le temps cet événement. Elle se souvient confusément « d’un homme à lunettes ». Ce n’est que vers sept à huit ans qu’elle identifiera avec certitude qu’il s’agissait de son père.
Vers huit et neuf ans, elle garde la mémoire précise de rapports sexuels avec son père. Le « regard fou » de son père la bouleverse encore aujourd’hui.
Il n’échappera pas que son propre regard est dans l’actuel entravé par un symptôme en lien direct avec « l’homme à lunettes » et le « regard fou » de son père. Ce n’est qu’après un long développement analytique qu’apparut dans les rêves la référence à un jumeau qui a tenu une place centrale dans sa thérapie : Madame R., sur la piste du Double.