Scarabées

De tout temps, l’homme dans sa solitude a ressenti le besoin de se soumettre à une instance bienveillante qui le protège et le guide. On rencontre chez les patients nombre d’allusions à la réalisation de ce souhait.
Nous nous intéressons ici au Scarabée.

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Rêve  :

« J’étais guidée par un scarabée plein de pattes oranges. C’est un guide accompagnateur lumineux. Il est vif dans les couleurs. Il y avait des trous dans les marches des escaliers d’entrée et de sortie. Pas de portes. »

Association d’idées :

« Il y a une présence qui vibre à l’intérieur de moi, qui n’est pas moi. Quelqu’un au plus près de moi qui se fait sentir. C’est très étrange, et pas étrange. Il n’y a rien d’autre que d’être vecteur de cette chose la. A coté de ça, tout disparaît. »

Commentaire :

La patiente, claustrophobe, se ressent guidée par une entité indéfinie. Dans son rêve, le guide prend la forme d’un scarabée lumineux. On associera cette image à celle du scarabée d’or qui possède une carapace polarisante de la lumière, lui donnant cet aspect doré, signe de pureté.
Ensemble, ils forment Un. L’individu est porteur du guide. Le guide est éternel puisque tout disparaît autour de lui.

 

L’observateur rencontra dans le même temps que le rêve ci-dessus, un événement chez une autre patiente.

A voix haute :

« Je suis dans une période d’auto destruction. Pourtant je porte des paroles qui m’extraient des situations qui ne me plaisent pas. Avec ma mère, ça c’est cassé. Elle peut mourir, ça ne me fera rien. Elle me dégoûte. Je ne peux plus porter ça (ndla : la rupture avec sa mere ?) sur mes épaules. Je me suis fait tatouer sur le bras gauche et à l’intérieur : « Ça doit être. » Je l’ai fait tatouer en allemand ‘Es muss sein’. J’ai trouvé que me faire tatouer était jouissif. On m’a ancré ça dans ma peau. Maintenant, je suis entière. C’est le courage pour mes œuvres futures. J’ai voulu le crier que c’était là, une partie intégrante de moi. Je suis une tatouée ! Et, je vais me faire tatouer sur le bras droit, un scarabée, pour attirer, pour éviter et avoir un gardien. »

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Commentaire :

Ce n’est pas clair. On peut interpréter qu’un inéluctable vient de s’inscrire dans sa peau. Il lui est conféré qu’elle est entière. Elle revendique son intégralité via un tatouage. On notera qu’une fois exposée au monde, un gardien lui sera nécessaire : le scarabée.

Résultat de recherche d'images pour "khepri"La présence de scarabées chez des patients différents nous a amené à creuser le sujet. Parmi les différentes pistes, c’est en Égypte antique que les représentations du scarabée nous intéressent : il représente le dieu Khépri, symbole de la renaissance du Soleil. La pelote sphérique que le bousier sacré fait rouler jusqu’à son terrier a été associée par les anciens Égyptiens à la course du soleil et, par extension, aux cycles cosmiques.
Le scarabée incarne donc la personnification du dieu créateur Khépri, dont le nom signifie celui qui vient à l’existence, il est symbole du devenir et de la transformation, ainsi que de la renaissance.

Qu’il soit guide, ou gardien, le scarabée accompagne ces patients dans un changement novateur.

Aller vers un autre regard

La patiente présente des troubles de la vision : l’impossibilité par exemple d’échanger des regards avec autrui. Elle se cache fréquemment les yeux. Elle a été violée par son père dès sa plus tendre enfance.
Dans son matériel onirique, une obstruction semble limiter ses possibilités de voir au-delà des traumatismes vécus.

« Je vous dis tout de suite avant de raconter le rêve, que la pudeur est en jeu ainsi que le regard. Je ne veux pas vous le raconter. Ça ressortira autrement… »

Rêve :

« C’est moi petite fille. Je suis couchée. J’ai joui. Vous arrivez par derrière moi. Je vous repousse violemment. »

Association d’idées :

« Je relie ce qui s’est passé avec la main et le doigt qui devient énorme. Ça m’a permis de tendre la main. Qui était ce père ? Qu’ai-je vu de lui ?
[…]
Devant tout ça, on ne peut rien dire. Il y a un rapport entre tout ça et la parole. Il y a des séances fermées par le non-dit. Il y a un silence qui est la parole. Un silence au-delà de la parole… Une contemplation au-delà du regard… Un regard vers un autre. Le silence, avec un autre.

D’où-viennent des paroles comme celles-la ? Sortir du constat du doigt énorme, pour aller vers un autre regard. Sauter une étape… Ce qui est entrevu là, me parait au-delà d’où je suis. Je retrouve le temps… ce n’est pas un avenir accessible pour le moment. Il faut passer par le présent. D’autres sont-ils la où je suis ? Je ressens comme le besoin qu’il y en ait d’autres. Il y a un chemin ardu qui va plus loin. Que d’autres le prennent aussi ? »

Commentaire :

Le temps où se situe la patiente est celui de la révélation du secret : le temps du silence est révolu.
On notera la poésie avec laquelle elle évoque comment aborder le secret : « Il y a un silence qui est la parole. Un silence au delà de la parole… ». On peut recouvrir un secret de paroles futiles, ou plus couramment le taire.
S’en suit un regard entravé par le « doigt énorme ».
En se débarrassant de sa cécité partielle, la patiente bénéficie d’un élargissement de sa vision jusqu’à la contemplation (du latin contemplatio lui-même du latin contemplor : « être avec une portion du ciel »).
Au-delà de la contemplation, il y a un avenir proche. La patiente désire parcourir un chemin, de préférence accompagnée.

La cafétéria de la maison de Dieu

Le rapport du religieux au pain est très commun. On le rompt, on le consomme, son ingestion est la matérialisation d’une commune union. Ainsi, le Christ prit du pain, et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ».

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Rêve :

« Je suis dans une grande cafétéria. Il faut que l’on aille chercher du pain. Il y a un passage devant des gens malveillants. Le pain à chercher se situe très loin. En fait, il est là, prêt (/près). Il est tout près. Il est l’espoir. »

Association d’idées :

« Mes parents ne m’ont jamais parlé de religion ou spiritualité. Je ne sais qu’une chose dans ce domaine : mon prénom est Elisabeth, et Elisabeth signifie « la maison de Dieu ».

Commentaire :

Nous avons rappelé la place du pain dans la religion christique. La patiente se réclame de la « maison de Dieu ». En réalité, le prénom « Elisabeth » vient de l’hébreu élischéba, « Dieu est mon  serment ».

אֱלִישֶׁבַע

 

Malgré l’assertion de son ignorance du religieux, la patiente a néanmoins bénéficié du choix de son prénom par ses parents. Une ouverture sur le spirituel se propose.

L’aspiration à un passage ouvert sur l’ espérance trouve satisfaction. La malveillance renvoie au diabolique.

 

 

Le grand huit

Loin des rêves métaphoriques, certains patients utilisent un langage iconographiques dont ils n’ont pas la connaissance.
Le patient ci-après, qui se définit lui même comme inculte, emploie un langage imagé pour illustrer son rêve :

Rêve :

« Olivier, mon instructeur d’hélico est avec moi sur un grand huit. C’est interminable. Je subis le grand huit stoïque puis, avec Olivier, je m’engage dans un souterrain. Il est en travaux. C’est un souterrain en gré. Le souterrain est étroit, long. C’est moi qui conduit. Il y a un arrêt devant plein de voitures. Un camion se débloque, on arrive dans une belle vallée. C’est un chemin pour instructeur d’hélico. A la fin du souterrain, je rencontre mon père. Devant lui, il y a deux cartouches de cigarettes « Gauloises », qu’il fume. »

Association d’idées :

« Mon père ne reconnaissait que ceux qui ont réussis. Je suis personne pour lui. Le rêve c’est la liberté. Par rapport à mon père, j’ai prouvé que j’étais quelqu’un. Mon chemin de vie c’était prouver que je suis reconnu. Moi je me sens comme un poète sans avoir à démontrer quoi que ce soit. La vie est comme un miracle. Mon père aurait reconnu Olivier, le pilote instructeur d’hélico, mais moi, l’enfant bâillonné, il ne me reconnaissait pas.
J’ai créé des peurs et des phobies pour être celui qu’on attendait. J’ai tué le poète, et je suis devenu celui comme « être utile ». Moi, ce que je veux, c’est mon Être révélé, révélé à moi-même, la révélation à soi-même. »

Commentaire :

Le grand huit désigne le signe infini. Cet infini est souligné par l’interminable.

grayscale photo of roller coaters

On retiendra du stoïcisme la recherche de la tranquillité de l’âme,  .Le sous-terrain en travaux est en grès. Le grès est une roche sédimentaire détritique, issue de l’agrégation et la cimentation   de grains de sable

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Hélicoptère vient du grec « helix » (« spirale », « hélice », désigne aussi tout objet en forme de spirale) et « pteron » (« aile »).

 

En égyptologie, le cartouche encadre et souligne le nom du pharaon dans les textes hiéroglyphiques (hyero, le sacré _ glyphe représentation graphique d’un signe typographique) afin qu’il se distingue du reste des termes.

Image associéeLes cigarettes sont des « Gauloises ». La représentation sur les paquets est un casque ailé. A noter que les gaulois n’ont jamais porté de casques de ce type, seuls les rabats protégeant les cotés de la tête pouvaient évoquer les ailes, lorsqu’ils se soulevaient dans le souffle du vent.
En argot, « se faire gauler » c’est se faire attraper, par la gaule. Pour un esprit malin, gaule-loi aurait une cohérence.
Moins fantaisiste, le gaulois est un personnage « licencieux et comique » dont la truculence échappe à la loi.

Résultat de recherche d'images pour "caducée"Le casque ailé est un attribut d’Hermès, héraut et messager des dieux. On notera, qu’il est aussi porteur du Caducée : une baguette en bois d’olivier (ou de laurier), entourée de serpents et surmontée de deux ailes.

La symbolique de l’olivier est étroitement liée à Athéna.
Athéna, est, entre autre la représentation de l’immortalité et de l’espérance. Dans la mythologie grecque, Athéna fit naître de la terre brûlée de l’Attique (Athènes) un arbre immortel permettant de nourrir et de soigner les hommes : l’olivier. L’olivier est le symbole de la force et la victoire, la sagesse et la fidélité, l’immortalité et l’espérance, la richesse et l’abondance.

 

On peut noter dans ce rêve un passage en perpétuel renouvellement. Le passeur est celui qui instruit. Il est connoté d’Athéna (immortalité, espérance, richesse, et abondance). L’infini est proposé et souligné par l’interminabilité. Un chemin se dessine après le passage, la beauté est là, une figure paternelle est présente. Avec elle, la cartouche renvoie explicitement au sacré.

Le sujet ne rencontrera pas dans ce rêve des références autres que son histoire personnelle avec son père. Il apporte une nouveauté clinique : se créer des terreurs pour ralentir sa frénésie d’exploits. Ces exploits sont recherchés avec une ardeur exigeante pour prouver une réussite à son père.
Deux niveaux d’abord :
– celui qui passe par l’infini, un passage et une rencontre avec le Père.
– celui qui rencontre l’ordinaire des rapports entre un père et un fils.

On peut voir dans ce rêve une relation directe avec l’inconscient collectif, ou encore une mémoire collective qui utiliserait un langage iconographique porteur de sens.

Rêves, espace et temps

L’espace-temps est une représentation mathématique de l’espace qui nous entoure et du temps qui passe. L’inséparabilité de ces deux concepts n’est pas toujours constante chez certains rêveurs. On note parfois des connaissances de la Physique se manifestant au-delà de l’enseignement universitaire ou scolaire qu’ils ont reçu.
Ici, nous verrons comment le soi se définit dans le cadre de l’espace et du temps sous différentes approches oniriques.

 

Le rêve qui va suivre est rapporté par une patiente qui exerce la profession d’expert comptable. Elle possède des connaissances scientifiques.

Rêve :

« J’évolue dans un référentiel qui conjoint espace et temps ainsi reliés l’un à l’autre. Je vis par rapport au temps des événements me ramenant à une certaine époque. Ces événements s’inscrivent dans un lieu qui lui même comporte d’autres événements qui alimentent cette notion du temps ; symétriquement, je passe dans des événements (temps) et lieu (espace). L’espace alimente le temps.

A force d’avancer dans un monde à deux dimensions… Ce serait à l’instant présent, à tel endroit.
C’est un point, c’est une dimension, ici, maintenant. La deuxième dimension c’est « avancer un peu » : le futur proche ? La troisième dimension, c’est le recul que donne le passé. »

C’est vertigineux. Ça alimente cette notion d’infini. A mon niveau psychologique, ça freine.

Tout ça donne un cube fermé, un référentiel à trois dimensions.
Une droite : une dimension. Une surface, deux dimensions. On se déplace à plat sur une surface.

Il y a trois dimensions : un axe horizontal, un axe vertical, et le troisième axe c’est la profondeur. Moi qui ai une dimension d’enfermement comme dans un cube, je vis et j’ai besoin d’infini.
Au-delà du cube, je porte l’histoire de ma mère, de ma grand-mère. Au-delà du cube, il y a une évolution dans le temps et dans l’espace. Cette dimension évolue avant ma naissance, et après. Il y a des traces portées par le temps.
Un cube, dans un autre grand cube ? »

Commentaire : 

 

 

Durant cette séance, la patiente fait évoluer sa définition de l’espace-temps.
Elle se situe d’abord sur une ligne représentant le temps. Elle est dans le présent, coincée entre les infinités du passé, et du futur.
Ensuite, elle introduit la notion d’espace en rajoutant deux dimensions à son référentiel, puis une troisième dimension.

On entendra que la rêveuse se place dans un référentiel cartésien, qui évolue au cours du temps. Elle rapporte aussi le vertige procuré par la notion d’infini.

En mathématiques, un système de coordonnées cartésiennes permet de déterminer la position d’un point dans un espace affine (droite, plan, espace de dimension 3, etc.) muni d’un repère cartésien (définit par ses unités).

La patiente formalise sa vie comme un cube dans ce référentiel : dans un repère cartésien, un cube est définit par un couple de points : un point d’origine (ici, la naissance) et un point de fin (la mort). Ce cube représente l’espace occupé par la patiente dans le temps. De cette manière, on peut définir l’emplacement de l’individu dans l’espace à un instant t.
Si on représente la vie d’un individu comme un cube dans l’espace-temps, la patiente et les interactions qu’elle a avec les autres, sont des intersections de ces cubes : à un instant donné, et un emplacement donné, elle vit le présent avec une ou plusieurs personnes.

Selon la patiente, cet infini, bien que vertigineux, est nécessaire pour se défendre de l’enfermement de son être : l’infini est une échappatoire à la finitude de son être.

Lors d’une autre séance elle abordera cet notion d’infini comme un absolu :

Rêve :

« C’était l’été. Je prenais un bain dans l’océan Atlantique. Une sensation de bien-être. Rien dans un tout. Sensation d’être en s’oubliant. Être dans l’univers, dans quelque chose qui nous dépasse. Un besoin comme de se fondre dans l’immense, avec dépouillement absolu en communion avec l’absolu. A la fois, pas grand chose, et tout. »

Association d’idées :

« J’aspire à retourner dans l’espace, dans le temps, un monde vierge, idéal.
J’aspire à la simplicité. Un fil linéaire…
J’ai la certitude d’avoir vécu l’intensité de la légèreté. Un ressenti libre et protégé. J’aimerai rentrer dans mon monde intérieur. Il est parallèle aussi, ce monde.
L’écrire ? Donner du sens à l’être. L’être c’est l’empreinte du temps et de l’espace. Il est imprégné. Pour l’être de l’individu c’est au delà de son propre vécu. Il porte en lui générations et générations. La page blanche n’existe pas. Peut-être qu’on a tous des empreintes communes. On a tous la même histoire en partie. Ça se rejoint quand on est dans le passé, ou le futur.
Dans un monde sans limite, non connu. Il y a une façon de s’en sortir de cette dimension espace-temps, son opposé serait l’apesanteur. Il n’y a plus de pressions, plus de repères.Tout est toujours partout, et plus rien n’est nulle part. Il n’y a plus que l’esprit en apesanteur qui pense. »

Commentaire :

Elle parle ici d’un idéal et revient sur l’infini (absolu). Le temps porte les « empreintes » de ces rencontres, les êtres sont imprégnés de ces instants d’interactions (intersections de cubes).

Son but est, ici encore, d’échapper à sa condition d’être fini en se débarrassant de la pesanteur de la conscience de soi : un retour à l’innocence de l’enfance ?

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Rêve d’un autre sujet :

« Je suis dans un espace comme dans un campus. C’est agréable. Tout d’un coup, par derrière moi, à coté de moi ? Quelqu’un tient un paquet de papiers écrits et épars. Il me les tend. Il me dit que j’avais oublié de les trier ; c’est comme si je les reconnaissais. Au moment ou je les prends, il disparaît, devant ? ou derrière ? »

Association d’idées :

« Je les reconnaissais ces papiers. Sans les connaitre. Il fallait donc les avoir connus. On peut tracer le chemin, et le retracer. Je n’ai pas le temps de pouvoir faire le chemin toute seule. Cela ne peut se dérouler que par vous qui êtes là : vous êtes le présent. Une présence, présente.
Je me demande si passé et futur ne se rencontrent-ils pas dans le présent. »

Commentaire :

Il y a confusion dans l’espace (on ne sait pas définir où se trouve l’autre personne) couplée à une confusion dans le temps : ici le temps n’a pas autorisé l’imprimatur des papiers. Comme si le temps n’avait imprégné uniquement que le subconscient du rêveur, mais pas sa mémoire.

« Vous êtes le présent » fait écho à la phrase « Je n’ai pas le temps de pouvoir faire le chemin toute seule. » Ces deux propositions établissent la présence de l’analyste comme un médiateur dont l’aide est extemporanée.  

 

Autre séance d’un autre sujet :

« Je suis arrivée ici avec des trous dans mon temps. Ici, à certains moments, on bâche, et on fait émerger du trou, par exemple, comme le souvenir de mon jumeau mort. Le trou a été rempli. Ces mouvements vont faire qu’il y a un ensemble. Un bonheur de n’être que dans le présent. Alors, je suis avec vous, ou plus. Ce moment là recouvre le tout. Il n’y a plus, ni présent, ni passé. Il n’y a plus que du présent. Je suis très bien. Ça recouvre tout. C’est un présent qui s’arrête. Il devient passé, et il n’est pas futur. Il y a un ressenti affectif qui crie, pousse, me pousse à recouvrir tout le reste. C’est un ressenti qui a du mal à sortir.

Du coté du temps, il y a « être avec » et des séparations alternées. Ces alternances peuvent être recouvertes d’un présent continu.
Du coté de l’espace, c’est un peu la même chose. Il y a des alternances. On peut être sur le même chemin, et à coté. Il y a quelque chose qui recouvre ça, c’est demeurer ; il n’y a plus alors alternance de « être avec », séparer, marcher à coté, mais il y a au dessus, un espace avec demeurer.
Simultanément, je relie l’alternance recouverte par un présent continu. L’alternance est recouverte par demeurer et ce, par rapport au temps et à l’espace. Demeurer est un présent continu. La manière de dépasser la séparation, c’est de n’être que dans le présent et demeurer.
Tout ça conduit à l’UN, mais quelque part, on refuse. »

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Commentaire :

La patiente hisse son propos vers une création incluant l’espace, le temps, le présent, le futur, la simultanéité, la permanence. Le désir de faire partie d’une entité unique est constant chez tous les rêveurs se situant dans le cadre de cette étude. Le souhait transférentiel d’un rapproché privilégié avec l’analyste est ici dépassé au bénéfice de la PERMANENCE. La permanence procède de manere (rester, demeurer) et signifiant « demeurer d’un bout à l’autre ». La prise de conscience de cette permanence doit se faire dans l’instant présent. La patiente réalise que ni le passé, ni le futur, lui apporteront le bien être qu’elle recherche sauf dans l’instant.

Une autre patiente étaye le propos précédent.

Association d’idées :

« Être par l’esprit… une abstraction ? Si il n’y a que l’esprit, est-on vraiment ? Ça rejoint quand on est dans le passé ou le futur. Il y a 100 ans je n’étais pas. Dans 100 ans, je ne serai pas. Maintenant, je suis par rapport à ce qui m’entoure. Demain, par rapport à l’environnement. Ne suis-je que dans ces pensées qui moulinent dans ma tête ? »

Commentaire :

La patiente souligne (de façon plus explicite) la validité de l’instant présent. Elle détache la nature charnelle de son existence, et la définit uniquement par ses pensées.

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En s’attardant sur les différentes approches de l’espace et du temps par certains rêveurs, il nous arrive de diverger vers l’inopiné, comme ci-après.

Rêve :

« Je suis dans un espace noir indéfini. A la limite avec « il ». ‘ »Il » me voit. J’essaie de cacher cette source de lumière plus large. « Il » vient vers moi, vibre avec moi dans cet espace infini noir. Je n’arrive pas à « le » voir… Insaisissable. Je peux pas « lui » mettre une personne dessus.
Cet espace noir est archaïque… Définir des lignes blanches… C’est très agréable, très aérien, « il » nous englue. »

Association d’idées :

« Un jour, je suis rentrée dans une chapelle. J’ai parlé à haute voix… Quelqu’un était là… Apaisée… Quelqu’un divin ?
C’est dans l’intimité des choses, que je réalise l’infiniment grand, l’infiniment petit… Humilité. Descartes a dit quelque chose comme ça : « L’infini du monde dans un Siron. » (NDLA : petit insecte)

Elle s’arrête de parler et déclare :
« J’ai chaud partout. »

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Commentaire :

On a dans le rêve tous les ingrédients d’une scène primitive (vision par l’enfant d’une relation intime des parents. L’enfant imagine souvent une agression du père sur la mère).
On pourrait imaginer ici une scène primitive « sublimée », un père aimant venant au secours de sa petite fille réveillée, et la calmant. Toutefois, le survenu de « il » et la chaleur du ressenti physique, ouvrent une voie fantasmatique sur le spirituel.

La patiente voit juste quand elle se remémore l’archaïsme de l’espace où elle se trouve : il est celui de la mémoire de tous les individus ayant assisté à la scène primitive. La vibrance de la scène sur l’excitabilité de l’enfant trouve aussi sa place dans cet espace originel.
La patiente ne s’expliquant pas la scène, recherche l’idéal de « il » dans le divin, là où la scène primitive donnerait une explication ordinaire.

Peut-être que l’idéalisation de la scène primitive est une des racines du spirituel ? Cette approche en hérissera sûrement quelques-uns. Leur indulgence prendra corps lorsqu’ils se pencheront sur le pêcher originel.

CONCLUSION

De ces rêves se dégagent certains constats. L’individu cherche à définir son existence par différents biais.
Certains approchent la problématique via une définition mathématique de leur existence (ils sont à tel endroit, dans tel environnement).
D’autres, se définissent par leurs empreintes dans le temps : on notera que leur raisonnement affine leur existence à l’importance de l’instant présent, en se débarrassant du passé et du futur.
Certains vont même jusqu’à se dégager de leur nature charnelle pour se condenser en esprit, en interrogations.

Le regard sur ces rêves est imprégné par la formation clinique, la culture, et l’expérience de l’observateur. Ce dernier a conscience de l’aspect réducteur de son regard. Critique à son encontre : il espère toutefois que de la convergence rencontrée dans les rêves observés, se sédimentera un espoir de l’homme face à la mort. Le désir de ne faire qu’un et de se fondre dans l’unité est une constante de l’humain.

Des mondes sans humains

La majorité des rêves se réalise avec un scénario comportant des personnages, des rôles, un théâtre. Les rêves sont construits -entre autres- autour de la condensation et le déplacement. Ils obéissent à des règles différentes de celles de la réalité. Ils réalisent en eux mêmes un monde différent.
Parmi ces rêves nous avons collecté ceux qui échappent aux rencontres oniriques classiques par l’absence soulignée d’êtres humains.

 

 

Rêve :

« Je suis avec Monsieur Auberger (le sujet ne précise pas l’orthographe). Nous avançons sur une route goudronnée. La route devient un chemin de sable et à partir de là, il est impossible de repartir en arrière. Le paysage est magnifique. Des arbres sont le long de la mer.
Je continue seul.
Les vagues viennent mourir sur le rivage, c’est de toute beauté. Je suis dans une solitude absolue. Cette solitude est totale dans sa beauté et me convient. Les arbres ont une particularité : ce sont des arbres-lièges, sans écorce. »

Association d’idées :

« Il y a un silence qui me convient profondément. »

Commentaire :

Le « haut » berger se rencontre dans d’autres rêves. Il est alors « celui qui marche à côté ». Ce guide conduit jusque au monde du silence absolu.
Ce guide au nom évocateur est la dernière rencontre avec une forme humaine. Il constitue une fonction d’avantage qu’un humain. L’irréversibilité de l’entrée dans un monde sans humain est soulignée. Le silence exclut la présence humaine. La mort, imagée par l’écorce des arbres, est absente.

 

Rêve :

« Je suis dans un champ de blé. J’avance.
Tout est si paisible.
Je tends mes bras et mes mains effleurent les épis de blé.
Il y a des arbres au loin : une forêt.
Tout est si lumineux. Le soleil inonde le monde de sa chaleur.
Tout est blond.
Je me sens si bien.
Je regarde autour de moi ; je suis seule dans ce champ de blé. Je n’entends aucun son. C’est le Silence.
Il n’y a que moi, Moi ? »

Associations d’idées:

« C’est comme si la Trame de la Vie m’était montrée :
Le Soleil est Tout. Il révèle la Beauté du Monde. « 

Commentaire :

Le rêveur fait bien la part entre une individualité « moi » minuscule et une totalité, un grand « Moi ».
La trame est par définition une organisation ici éclatante. Les éléments constitutifs de l’entrelacement sont une perspective : au loin une foret, que l’on atteint en traversant les blés, porteurs de graines, promesses du renouveau.
Les sensations comme la chaleur, le tactile, ou le bien-être, sont là.
La singularité disparaît au bénéfice d’un TOUT dont la lumière est le support et l’organisatrice. L’autre n’a plus sa place.

 

Rêve :

« Un immense champ de blé, un coquelicot. Personne. »

Association d’idées :

« Pas d’humain. C’est beau. »

Commentaire :

Le rêveur fait de l’humain un corps étranger à la beauté. Le beau procède de la singularité du coquelicot au milieu de l’uniformité des épis. L’identique, sans le coquelicot, régnerait alors. La singularité non-humaine du coquelicot constitue la splendeur de la scène.

 

Rêve :

« Il y a des personnes personnes. Il y a aussi personne. »

Associations d’idées :

« Et si je mettais un grand P pour en faire Personne ?… »

Commentaire :

La rêveuse suggère que le monde que nous connaissons est habité par des individualités nommées « personnes personnes ». En instaurant « Personne » à l’aide d’un P majuscule, la rêveuse incarne la primauté d’un être unique.

On peut aussi concevoir « personnes personnes » comme une solitude de l’individu (personne)  au sein du groupe d’humains qui l’entoure. Leur présence ne fait pas écho à l’humanité du rêveur.

 

Conclusion :

Il se dégage de ces rêves une atmosphère de paix dans la solitude : les facteurs anxiogènes (bruits, mort, autrui, …) sont absents. Le désir d’appartenir à un monde d’un « grand Tout » est clair.

La vie est soulignée dans sa beauté, par l’absence de turbulences. La lumière emplit le tableau.
Le silence est toujours présent, il apaise le rêveur et l’accompagne dans sa séparation des autres humains.
Il n’y a pas d’horizon à l’amplitude de l’environnement observé par les rêveurs.

On pourrait y voir une aspiration des humains à échapper à l’ordinaire de leur environnement. On appréciera toutefois l’orientation poétique de ce désir ordinaire.

Mondes différents

Les mondes différents sont décris depuis l’Antiquité par nombre philosophes. On retiendra Anaxagore. Il inaugure le concept de « noûs » : une intelligence organisatrice et directrice du monde. Le monde est formé de substances diverses, sans naissance, sans terme, qui s’agence par combinaisons et séparations. Ailleurs, Platon prône le monde des idées abstraites immuables. Plus proche de nous, Lavoisier propose : « Rien ne se perd, rien ne se  crée, tout se transforme ».
J.R. Dos Santos reprend les propositions d’Anaxagore, Platon, Lavoisier sur un mode plaisant. Il propose : « chacun de nous contient une particule qui a appartenu à des ensembles constitués tels que Einstein ou Newton ». Il suggère qu’une des particule de ces savants est en chacun d’entre nous.
Ces propulsions diverses proposent un fantasme : et si chacune de ces particules contenaient une mémoire ? peut-être universelle ?
Nous rencontrons dans les rêves des formes analogiques à cette élaboration.

 

Résultat de recherche d'images pour "coulisse de theatre rideau"Rêve :

« Dans les coulisses d’un théâtre, il y a plusieurs rideaux. A chaque intervalle entre deux rideaux existe un univers différent. Dans la salle il y a un passage comme des portes, on se glisse vers des univers différents. »

Commentaire :

Les mondes existent là où notre intérêt nous porte. On peut voir ici une analogie avec les propositions de Sheldrake : il existerait des pôles attracteurs et organisateurs. Il donne en exemple la Gravité, ou encore des champs de forces, de formes.
Ici, le rêve laisse plutôt entendre que des mondes existent là où notre intérêt et nôtre curiosité sont attirés.

 

Rêve :

« Je suis dans un monde de ricochets : des cercles, des cercles, des cercles, … »

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Commentaire :

Le transfert de l’énergie par ondes et particules est à évoquer.  L’impact de l’énergie de la pierre sur l’eau propage des ondes, leurs interférences et propagation. Le rêveur est dans un monde dans lequel les cercles et les ondes l’entourent, l’impactent.

 

Des modèles ondulatoire sont aussi évoqués dans le rêve ci-après.

Superbe représentation de l’Univers par un artiste

Rêve : 

« Je suis dans l’univers. Dieu ? une intelligence dans des motifs concentriques. »

Association d’idée:

« Votre femme a la même âme, dans un autre corps. »

(La patiente rencontra l’épouse de l’observateur sur le palier du cabinet médical).

Commentaire :

On précise que la patiente entremêle âme et intelligence.
Si dans le monde onirique de la patiente une même âme se retrouve dans des corps différents, alors une unicité se dessine : Dieu ?
Une unicité se constitue en dehors des enveloppes.
Réciproquement, il y a une corrélation, un écho, entre les corps situés dans des mondes différents et habités d’une même âme.
Les âmes de l’univers ? L’âme des univers ?

 

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Rêve :

« Je suis dans un sablier. Dans la partie la plus étroite  la vitesse est immense. »

A rapprocher de :

Rêve :

« Je suis un balancier. »

Commentaire :

Ce rêve, associé à celui du sablier, suggère un monde qui accentuerait le lien entre mouvement et temps.
Les rêveurs sont au centre du temps qui passe, l’un accompagnent le mouvement (balancier), l’autre l’observant.
On renverra l’immensité de la vitesse à celle de la lumière.
L’analogie avec le Big crunch et le Big freeze est-elle si lointaine?

 

CONCLUSION

L’imaginaire des rêveurs crée parfois des mondes différents, inhabitables sous notre forme actuelle.
La peur de la mort engendre des échappatoires illustrée par une infinité de mondes oniriques.

Le sablier évoque une continuité sans terme et une transformation permanente. Le rêveur observe un monde dans lequel le concept du « Tout Autre » (R.Otto) devient possible.

Ailleurs, le rêveur observe ou subit une transformation en particule, en onde, ou bien les deux. Le sacrifice de l’identité actuelle aurait pour bénéfice l’accès à du plus vaste et l’indestructible. En devenant particule, l’humain se soustrait à la péremption du corps, et ainsi, à la mort.

Le corps est fatalement menacé par la mort, autant échapper au terme en anticipant sur la menace ; pourquoi pas alors un monde sans corps humain ? Le spectre du terme perd alors son objet. Les mondes sans humains donc sans corps naissent peut être ainsi dans l’imaginaire.
Nous explorerons ces mondes dans un prochain article.

 

Chemins et rencontres

Dans cet article, l’analyste se penche sur les occurrences du chemin dans les rêves, ainsi que sur les concepts qu’il véhicule.
L’allégorie du chemin est une formalisation de l’interrogation unanime des individus sur le sens de la vie, et de la mort.
Ici, nous approcherons le sujet d’abord, en illustrant le chemin par des rêves, puis pour nous intéresser aux rencontres faites durant leur parcours.

 

Le chemin

Le chemin épouse le spirituel dans nombre de religions. Il est celui qui accueille l’effort, la rencontre, la fraternité. Il est aussi le lieu d’acceptation de la différence.
En Islam, il dessine un cheminement intérieur sur la voie de la purification de l’âme. Il propose de se réveiller de son sommeil. Le sujet doit savoir où il va. Il doit avoir connaissance des interdits, et être déterminé à atteindre ses buts.
Le livre sacré est un chemin.

Pour Saint Augustin, le chemin  apporte la lumière. La voie unit ceux qui la parcourt, propose de tendre vers la progression et la perfection.

Dans le judaïsme, le chemin est le lieu de la convergence pour parler de la Torah. Pour le peuple juif, être juif, c’est devenir juif. L’identité juive est une identité en création, un chemin permanent.

Pour les adeptes, les religions christiques, on retiendra la parole suivante : « Je suis le chemin de la vie. Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé. Il entrera, et sortira. Il y aura un chemin frayé, une route. Nul impur n’y entrera. »

Les rêves rencontrés tendent vers ces orientations.

The path through the darkness

Rêve :

« Je rêve que vous apportez une forme, et que vous l’entourez. Le Mal est là, à l’état pur. Il faut faire et refaire le chemin, avec crainte que le Mal ne surgisse. »

Commentaire :

La patiente s’en remet à la toute puissance de l’analyste. La demande est de contenir le Mal. La patiente subit lors de son enfance des viols multiples de son père. Elle vit l’analyste comme instance protectrice. La protection est sans cesse à construire.

 

Rêve :

« J’ai plus ou moins rêvé, à demie-éveillée (?) d’un chemin ouvert après un saut dans le vide. On allait  vers une grande liberté. La liberté avançait sans détruire, elle protégeait. Des morceaux de portes s’ouvraient. J’étais inquiète. »

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Association d’idées: 

« Il y a une telle force dans ce qui m’arrive. »
Elle dira par ailleurs : « Ce saut dans le vide c’est la mort ». 

Commentaire :

Pour la patiente, il semble qu’il y ait un au-delà de la mort, représenté par le « saut dans le vide ». L’après saut, la mort, ne serait qu’un vide transitoire vers une liberté jusqu’à lors méconnue.

 

Rêve :

« Sur un chemin, je me promène seule. Je dois, pour continuer, passer par un fossé. Dans le bas, il y a plein de gravillons. Au milieux, un corps mort. Je le vois par le toucher. Je passe, et remonte. »

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Associations d’idées :

« J’ai pensé : il y a un os quelque part. Tout ça est traversé par un grand dessein. Ce dessein c’est d’être dans la paix et le bonheur. C’est du très, très réel. C’est, avec le toucher, la vue, et c’est très, très concret. Après la mort, faut-il remonter de l’autre coté du fossé ? Il y a un passage par le vide. Il y a un au-delà du vide. »

« Il y a une aspiration pour que le bien-être dure. Peut-on remplacer par du plus grand, du plus large, par une notion de durée qui ne s’arrête pas… demeurer… être avec… Il y a déjà une vie qui est déjà en route. La mort est une étape qui n’arrête pas le chemin. Je relie çà à de l’innocence. Maintenant, je peux commencer à me laisser aller, à ce bien-être, sans risque de perte de l’innocence. »

Commentaire :  

Le souhait du rêveur est  d’être accueilli dans une vie privilégiant l’innocence. Le chemin est une voie d’accès qui est accidentée et encombrée : un corps mort réside au fond du fossé. La traversée du fossé est un passage, une étape, confrontant le rêveur à la mort, et le conduisant à la vie de bien être désirée.
Le souhait est aussi de persévérer, de « se nicher dans une vie déjà présente » dira-t-elle par ailleurs.

Autres associations d’idées :

« Il n’y a qu’avec vous que je peux faire ce chemin là. Qui êtes-vous pour moi ? Êtes-vous ailleurs ? ou pas ailleurs ?

Me vient « demeurer ». Où sont ceux qui sont morts ? Mais c’est valable aussi pour les vivants.
Parallèlement, où vous êtes, vous ? »

Commentaire :

Ne sachant où se situer, parmi les vivants ou les morts, le rêveur n’a pour seul référentiel que l’analyste. Le désir de la rêveuse est de se réfugier en l’instance protectrice que l’analyste préfigure, et ce, pour une durée indéfinie.

Rencontres sur le chemin 

Ailleurs, on rencontre de nombreux rêves se déroulant au bord d’un abysse. Il engendre une grande angoisse chez les rêveurs.

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Rêve :

« Je monte sur un chemin étroit, en sens inverse des individus descendent. Ils sont au bord du précipice. »

Associations d’idées :

« Je ne veux pas être recyclée. »

Commentaire :

Pourrait-on imaginer que ceux qui descendent seront les recyclés ? La rêveuse, en allant à l’encontre de la masse, se préserve du danger du précipice, et va à contresens du chemin dicté. Peut-être, pouvons nous y voir un souhait d’échapper à un funeste recyclage, une renaissance ?
Nombre de personnes refusent la possibilité d’une renaissance après la mort.

Rêve :

Résultat de recherche d'images pour "balcony theatre fauteuil"« Je suis assis sur un grand balcon d’un petit théâtre. J’occupe la place 231. Il y a un entracte, je vais dans les coulisses. Il y a une seule empreinte marquée comme dans du ciment. Je reviens dans le théâtre, tous les gens se lèvent et chantent un hymne à la joie. Ils sont tous très émus. »

Associations d’idées :
« Je remarque qu’il n’y a qu’une seule empreinte. Est-ce que l’on avance que d’un seul pied ? Ça me fait penser aux tâches Rorschach. Mon passage à moi est marqué par ma façon d’être. »

Commentaire :

On perçoit souvent un désir de ne faire qu’Un chez les rêveurs. Ici, ce désir est soutenu par trois phases :
Le rêveur est Un en tant qu’individu alors qu’il réside dans sa place de théâtre désignée : le numéro 231 bien qu’énigmatique, souligne une position singulière et déterminée.
Alors qu’il se glisse dans les coulisses, il rencontre « une seule empreinte ». L’unicité de cette empreinte, fait prendre conscience au rêveur qu’il existe un autre Un. Ne sachant s’expliquer cette empreinte unique, mais comprenant qu’elle a une signification, il s’en amuse.
A son retour dans le théâtre, il se retrouve face à l’incarnation du désir de ne faire qu’Un. La foule, unie dans l’émoi (les mois ?), est en train de chanter. L’ensemble des individus, à fait place à une Union.

 

On retrouve aussi certains personnages récurrents dans les rêves :

Rêve : 

« Je suis avec Monsieur Auberger (le sujet ne précise pas l’orthographe). Nous avançons sur une route goudronnée. La route devient un chemin de sable et à partir de là, il est impossible de repartir en arrière. Le paysage est magnifique. Des arbres sont le long de la mer. Je continue seul.
Les vagues viennent mourir sur le rivage, c’est de toute beauté. Je suis dans une solitude absolue. Cette solitude est totale dans sa beauté et me convient. Les arbres ont une particularité : ce sont des arbres-lièges, sans écorce. »

Association d’idées :

« Il y a un silence qui me convient profondément. »

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Commentaire :

Ici, le chemin offre deux temps : le temps de l’accompagnement, puis celui de la solitude. Il y a irréversibilité de ces deux temps.

L’accompagnement par ce « berger du haut » est souvent rencontré. Il a pour forme l’homme qui marche à coté, une ombre, un inconnu. Le désir transférentiel d’un guide est présent.

A un certain point, le guide disparaît, et fait place à un paysage subjuguant le rêveur. La beauté de ce tableau laisse le rêveur aller seul sur le chemin de sable, entouré par la mort.
Les vagues meurent, alors que les arbres sont sans écorce. Le patient ignore que l’écorce est la partie morte des arbres. Le désir d’un monde où la mort est transcendée par la beauté, n’apparaîtra pas au rêveur.
Son décès surviendra peu de temps après avoir fait ce rêve.

Rencontre avec Personne

Les chemins n’offrent pas toujours de rencontres. Il arrive que les rêveurs atteignant le bout du chemin se retrouvent dans la solitude, ou un univers dénué d’humanité. Les rêves ci-après en sont l’illustration.

Rêve :

« J’arrive sur une pairie, je m’assoie. Il n’y a pas d’ombre, il n’y a personne. »

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Rêve :

« Je suis dans un monde à végétation étrange. Je suis au dessus, c’est magnifique. Il n’y a pas d’humains. »

 

Rêve :

« Je suis dans un champ de blé. J’avance.
Tout est si paisible.
Je tends mes bras et mes mains effleurent les épis de blé.
Il y a des arbres au loin ; une forêt.
Tout est si lumineux. Le Soleil inonde le Monde de Sa Chaleur.
Tout est blond.
Je me sens si bien.
Je regarde autour de moi ; je suis seule dans ce champ de blé. Je n’entends aucun son. C’est le Silence.
Il n’y a que moi. Moi ?
Le Soleil est Tout. Et il révèle la Beauté du Monde. »

Associations d’idées :
« C’est comme si la Trame de la Vie m’était montrée. »

 

Commentaire :

Dans un monde où le souhait est de ne faire qu’Un, il n’y aurait pas d’autres. Nous rencontrons fréquemment :  « je suis seul », « il n’y a personne », « solitude », « pas d’humain ». On peut y voir le désir d’un monde silencieux ou encore un souhait d’appartenir à une entité unique.

 

NON CONCLUSION

Il arrive que le fil onirique du rêveur cesse d’être linéaire. Le chemin, représentant la vie, peut éclater en ramifications multiples, comme dans le rêve qui va suivre.
Ici, l’apothéose des rêves graphiques est atteinte dans le rêve lors duquel l’univers onirique évoqué est une oeuvre vivante dépassant les contraintes de la toile et du cadre, ramifiant le chemin.

corai-verre-07

Rêve :

« Je suis chez Olivier. Il y a un grand tableau en largeur : ça fait comme du corail. Il y a des branches bleues et jaunes qui dépassent le cadre. Autour des branches, il y a un carré qui est hors du cadre. C’est comme un second cadre. C’est de la neige ? Les branches dépassent, encore et encore ; ça limite, mais ne les emprisonne pas. Les bouts sont libres. »

Associations d’idées :

« J’ai oublié de dire, le carré de la neige est homothétique, proportionnel. C’est peut-être pas de la neige. Le corail pousse autour de la poudreuse. C’est la toile qui se constitue au fur et à mesure que le corail grandit. Le corail précède la constitution du cadre. La poudreuse, c’est le constituant de la toile. Il n’y a que des points de poudreuse, et ça va devenir la toile. C’est pas un cadre, mais un châssis. Le corail ne prend relief que si il est hors du premier cadre.
Le corail, c’est aussi le fantastique et l’imaginaire. »

Commentaire:

Le support de la vie serait-il un chemin en perpétuelle constitution?

 

 

 

Passages dans les rêves

L’analyste est le passeur d’un état à un autre, d’une obscurité à un éclairage différent, de l’erroné au moindre erroné, de l’obstacle à l’économie de son franchissement. Le patient est le passager de l’analyste, il advient parfois que le patient ait pour passager, son analyste. Un passage permanent les lient. Ils cheminent ensembles d’étape en étape, de prise de conscience en prise de conscience. Les rêves illustrent ce cheminement.

 

Définition

Passer, étymologie : passare : traverser
Passage, le suffixe age : action de passer.

Le passage qui intéresse le plus l’individu est celui qui concerne le passage de la vie à la mort auquel le verbe Trépasser est lié. On retient de Trépasser, le sens « s’écouler ».
Trépasser est aussi un archaïsme plaisant (très passé)    soulignant le passage de la vie à trépas.

Historique

Les religions offrent un support au passage. Nous pouvons citer :  Pessah, Pâques, entre autres. Il existe aussi des histoires de transformations, des changements d’états : le buisson ardent, la transfiguration, …

Les rituels de passage passent par des procédures de purification.

Le baptême propose explicitement la purification. Les modalités de sa réalisation par ondoiement, immersion, effusion, aspersion le soulignent. La renaissance est aussi mise en avant.

L’allégeance aux lois du Bouddha par la formule « mon refuge est dans la loi de Bouddha et de ses moines » conduit les fidèles vers des rituels de purification.

Le Mikvèh dans la pratique judaïque est dans sa définition rite de pureté. Les bains et ablutions en sont une des parties constituantes.

« Allah agrée ce qui se purifie » et « la purification est la clé de la prière » mettent en avant dans l’Islam l’importance de « la purification qui est la moitié de la foi ».

La purification par les quatre éléments -eau, air, terre, feu- dans l’Hindouisme, est un des piliers de cette religion.

Les rêves rapportés ci-dessous ont pour sources un ou plusieurs individus. Dans le cas où plusieurs individus rapportent des rêves aux traits communs, ils sont alors collectés en groupe selon leur orientation. Les associations d’idées des patients à propos de leurs rêves n’ont pas toujours été notées.

Nous rencontrerons ici des passages avec transformations, ainsi que des passages avec purification.

Passages et Transformations et Physique

Les rêves collectés ci-après soulignent la relation étroite entre des changements d’états des éléments présents dans les rêves et les associations d’idées que les patients leur prête.

Tranformer : changer une chose, en une autre.

 

Rêve :

« Je suis belle et seule. Je transformais le laid en beau, il y avait des particules d’amour. »

Association d’idées :

« Je m’abandonne à Dieu. Un sentiment d’amour m’envahit. Mon ami P. c’est un tank ; moi je regarde les pâquerettes. »

Commentaire :

Les pâquerettes (Pâques – passage) sont ici à leur juste place. Le passage du « laid » en « beau » est explicite.

On retrouve peu de littérature sur les « particules d’amour » sauf chez les poètes.


SI JE POUVAIS ÊTRE

Si je pouvais être
Beauté de la rose,
Chant de l’oiseau,
Parfum d’été,
Fraîcheur de la source,
Caresse du vent,
Légèreté du papillon,
Clapotis du ruisseau,
Alors je serais parcelle d’amour dans l’éternité.

Au fil du temps, Annette DUPUIS-HACHETTE
Ed. Barré et Dayez, Paris, 1988.


Poursuivons ailleurs avec la Chimie qui s’illustre dans ce rêve :

Rêve :

« Comme si une sphère… un soluté en solution. Une particule passe d’un pôle à l’autre. J’ai réparé l’intégrité de cette bulle d’amour. »

Association d’idées :

« Partout où je vais, j’emmène mon monde. Je ne le lâche plus. Mon monde à moi, il est là. »

Commentaire :

Le terme « Solution », peut prêter à interprétation. La solution serait réparer un monde, ou bien habiter un monde réparé, ou même les deux. Le signifié est peut être aussi un processus de tri ou de sédimentation. Le passage d’un état à un autre est clairement évoqué ici.

 

Rêve :

« Quelqu’un attend que je disperse, que je transmette mon amour. Je tiens dans la main un pissenlit. Les graines partent et se dispersent par le vent, le souffle. Tout ça se passe comme au dessus d’un champ de blé blond. Un monde en paix, avec une végétation luxuriante qui se disperse au vent. J’essaie d’ouvrir tout mes sens. Il n’y a pas d’humains »

Commentaire :

La graine est la particule. La répartition n’est pas ordonnée. La dissémination est portée par un élan spirituel pour certains croyants. Le souffle (pneu-ma) n’est pas loin.

 

Rêve :

« Je nous ai vu, vous et moi, regardant des silhouettes, des ombres. C’était comme l’armée des ombres. Comme s’il ne restait plus que l’essence. Ça est. Ça est… et transcendant. J’ai vu que tout était à sa place, au bon moment. Ils sont là, près de moi. Nous sommes liés. A plusieurs, nous partageons un tout, un tout qui va dans la même direction. Ces silhouettes, ces ombres, cette armée des ombres, sont une partie de leurs passions : les vices, les passions humaines. Depuis quand sommes-nous ensembles ? Nous sommes nés d’une volonté commune, c’est bien au delà de la sagesse et de l’apaisement.
Tout ce qui peut être dit, peut être dit par des mots : Ça Est.
Une transcendance bien au delà de l’apaisement. Une autre dimensions. C’est extraordinaire, au delà du réel, au delà de la science fiction. Une vision instantanée, comme Polaroid. C’est une vision furtive. »

On notera la difficulté de faire la part entre récit du rêve et associations d’idées. Plus tard, la patiente dira :

Associations d’idées :

« Ces ombres dans le noir, me font penser au Mal. Les silhouettes noires… et pourtant, l’essence même de l’Univers. Cette armée des ombres œuvre pour Dieu. C’est curieux, des ombres pour Dieu.
Lucifer arrive plus tard, on est à la genèse, à la séparation du bien et du mal. »

Commentaire :

Ce rêve et ces associations d’idées ont été retenus pour leurs liens avec un processus de transformation, un passage d’un état à un autre. La transcendance se situe au delà du perceptible et de l’intelligible. On retrouve un mélange paradoxal : le bien et le mal œuvrent l’un comme l’autre dans la même direction. Le discours de la patiente ne définit pas clairement cette direction. Serait-ce, selon elle, Dieu ?
Dans les rêves sus-rapportés, cette intrication de contraires est présente. La référence à un tri possible entre les ombres du mal, et les ombres du bien, peut être assimilé au comportements de particules (séparation, changement d’état, sédimentation, clivage, etc…).

 

Rêve :

« Comme dans un film, ou est-ce un film que j’ai déjà vu ? Il y a un grand cube, constitué de petits cubes, des petits cubes cellules qui bougent par rapport aux autres. Les gens dans un cube. Ils sortent d’un cube à un autre. »

Association d’idées :

« Je ne fais qu’imaginer, peut-être que je vous ai déjà rencontré dans un monde parallèle. Au fond, ce sont les mêmes. Seules des variabilités pourraient exister. Dans l’univers, Dieu, dans des motifs concentriques de l’Univers : une intelligence.
Je pense qu’il y a des particules de faux mélangées à du vrai. »

Commentaire :

On pourrait y voir un rêve de claustrophobie. Le souhait du rêve serait de pouvoir sortir de la claustration du cube, voire même d’imaginer un monde de cubes ouvert, puisque l’on pourrait se déplacer de cube en cube. La transformation ici, serait le souhait de tous les claustrophobes : transformer l’enfermement en espace. La richesse du verbe , la qualité du contenu hissent ce rêve au delà de l’hypothèse clinique proposée.

Le film que la patiente relate, est, probablement, « Cube » réalisé par Vincenzo Natali. (allociné)

 

 

Ailleurs, dans d’autres rêves, la rencontre de cubes est une forme géométrique souvent rencontrée.

L’observateur a lu ailleurs dans une expérience de retour à la vie après une mort apparente rapportée par une opérée, qu’elle s’était retrouvée dans un monde fait de cubes. Cette expérience décrite comme « insupportable », aurait mobilisé son retour au réel.

 

Rêve :

« Je jetais une pierre pour faire des ricochets. Je faisais des ondes. Un ricochet d’ondes. »

Association d’idées :

« Les ondes ne sont que des traces.
J’ai peur, que vais-je devenir ? Il était dit, ou j’entendais :
Va, vis, et deviens. »

Commentaire :

On entend la peur si le devenir est une transformation en traces – ondes.

On gardera de « trace » la signification suivante : ce qui subsiste dans la mémoire d’un événement passé.
A l’expression de sa peur, l’identité de la patiente et son devenir sont-ils menacés ? La réponse a ses interrogations se fait via les ricochets : ils créent une onde qui véhicule un message d’expansion. On peut entendre que l’onde l’incite à passer de son état de peur à une libération, à un devenir.

Autre rêve :

« Peut-être ai-je refait ou ai-je été en relation avec mon rêve de ricochet ? Des souvenirs étaient comme des échos. Ce qui était découvert résonnait, une mise à jour ? J’ai rêvé de deux valises, une vide, une pleine. Il y avait une valise très lourde. Peut-être suis-je accompagnée d’une valise plus légère. Le passé est lourd. J’avais un joug léger à porter/ée. [ndla : le rêveur ne précise pas si il s’agit du terme « à porter » ou « à portée »]. Il ne faut pas faire un tri, tout est vrai. Qui porte ? »

La séance suivante, la patient dira :
« Vous allez bien vous ? J’ai besoin de longueurs d’ondes. »

Commentaire :

Une fois de plus, chez cette patiente, des liens se tissent avec des phénomènes physiques. Leurs définitions illustrent à son insu des transformations, ou changements d’états.

On peut aussi entendre par « même longueur d’ondes » un rêve transférentiel : un rapproché obtenu par une identité de vibration entre les protagonistes.
Au delà du transfert, un passage d’un état à un autre via les phénomènes physiques cités ci-dessus, peut opérer : l’onde véhicule le changement.

Ailleurs, d’autres valises :

Rêve :

« J’étais partie pour un voyage. Je vais avec un chameau. Je devais monter sur le chameau pour continuer le chemin. Mon chameau était chargé. »

Associations d’idées :

« Ça me fait penser à une phrase de l’Évangile* :
« Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
Ça me fait penser à la petite porte de Jérusalem où il fallait débâter. »

Au cours d’une séance ultérieure, elle commentera :
« Le chameau ne peut pas passer sans se délester. Pour passer : c’est un passage d’ondes successives. Qui m’entraîne par là ? Je bute. Je ne veux pas aller par là. J’ai un ressenti. Vous ne pouvez pas m’accompagner la, vous ne pouvez pas être sur la même longueur d’ondes. Chacun son chemin. Là, la joie. Ça ne vient pas de moi. J’ai peur de dérailler. D’autres ne peuvent pas me suivre, ils ne veulent pas, ou ils ne peuvent pas. Il y a des points de butées autours. Et après, il y a déjà maintenant. Dépasser, ce qui s’est passé là. Où vous êtes ? J’ai peur de vous perdre.
Ce ne sont pas des ondes. J’ai l’image d’un buvard, vous représentez autre chose que vous même. »

Commentaire :

En citant l’Évangile, la patiente fait référence à Matthieu 19:24(*)

L’explication la plus répandue suggère qu’il y avait une petite porte à Jérusalem, appelée ‘Trou de l’Aiguille’. Après le coucher du soleil, cette porte restait ouverte plus longtemps que les grandes portes qui étaient plus difficiles à défendre. Les chameaux ne pouvaient y passer qu’en se défaisant de toutes leurs charges.

Faut-il poser ses valises, avant de passer ? Le contenu des valises étant le passé, il encombre le rêveur de ses miasmes lui interdisant le passage. Ici, le passage illustre la démarche individuelle de la patiente vers la joie. Le passage fournirait une ouverture pour ce ressenti.

On notera que la patiente a conscience du besoin de l’intimité de sa démarche. Elle évoque l’absence de l’analyste, et sa peur de l’isolement. Elle conclue en l’assimilant à un buvard : l’analyste serait celui qui absorberait l’encre des maux.

On notera la corrélation entre le domaine physique et le buvard : le buvard absorbe de l’encre (porteuse de signes ?). On peut aussi entendre par « charge », non pas celle portée ici par le chameau, mais celle d’un dispositif qui absorbe de la puissance .

 

 

On constate parmi les rêves des patients d’origines diverses des références à la Chimique et à la Physique. La totalité des patients, sauf un seul d’entre eux, n’ont pas de savoir en science Physique ou Chimique. Nous avons toutefois souligné l’emploi d’un vocabulaire afférent à ces domaines : soluté, dispersion, particule, graine, mélange, motif concentrique, traces porteuses, résonance, écho.

La fréquence des références à l’onde est à noter. On adjoindra aussi à cette note, la place faite à la particule.

Sur le plan religieux, le verbe « ondoyer » désigne un baptême express. En physique, la définition du verbe « ondoyer » renvoie à l’apparence sinueuse des ondes. Il y a la une similarité que les religieux ne devinent pas, mais qui nous amène à la partie suivante.

PASSAGES ET PURETÉ

 

Rêve :

« On va avec ma fille chez Monsieur René. Nous sommes le long d’un étang plein de vase, noire, sale. Ma fille marche sur cette vase, elle s’enfonce et disparaît ! Plus loin, des gens sont à portée de voix. Je les appelle. Je reste devant l’endroit où elle a disparu pour qu’il reste un repère. Mon amie Marie-Pierre se trouve là et plonge avec un appareil : une sorte de cube avec une lampe et une loupe. Il y a une grande insistance sur l’œil. Elle retrouve ma fille et la sort. Elle la porte en l’air : elle est très propre, il n’y a pas trace de boue, elle a un sourire. Je la couche, elle s’endort. »

Association d’idées :

« C’est exactement le baptême ! C’est un rêve stupéfiant car l’aspect purification est là. Dans le baptême, il y a la notion de passage, l’immersion dépasse la notion de purification. C’est de l’ordre du renaître. »

Commentaire :

Chez la patiente, l’importance du religieux est mesurable. Compte tenu du contexte du rêve : le souhait de propreté se dépasse. La patiente cherche le sacré par un passage purificateur.

 

Rêve :

« C’est la nuit. Au-delà d’une barrière il y a plusieurs routes. Je pense qu’elle va s’ouvrir : elle s’ouvre. Une maison est là. Qui a ouvert ? Une femme sort de la maison. Il y a là une grande quantité de plantes qu’elle trie en deux tas séparés. Il commence à faire jour. Je vais dire aux autres qu’ils peuvent venir. Dès que je passe entre les fleurs, elles se flétrissent. C’est comme des grains de lavande qui tomberaient. Cette femme empêche le retour en arrière et force à passer par un chemin sans obstacle et lumineux. Les plantes que je rencontrais étaient vertes et très hautes. Il y avait un groupe à fleurs et un groupe sans fleurs. Elles n’avaient pas de pétales mais des graines. Passer entre ces fleurs faisait tomber leurs graines. »

Association d’idées :

« J’ai l’impression que ce rêve disait : il faut se risquer dans des bouts de chemin et accepter de les abandonner. Faut-il garder les graines à fleurs ? »

Commentaire :

Dans ce rêve, le passage est le mouvement de la patiente. Il conduirait à un processus allant du flétrissement des plantes luxuriantes, jusqu’à la fécondation du sol par les graines ainsi libérées.

La parabole du bon grain et de l’ivraie se profile. On peut l’interpréter comme un partage entre le bon et le mauvais.
Le tri des fleurs symbolise-t’il une sélection entre le bien et le mal ?

On retrouve aussi une notion de choix après un passage : la barrière s’ouvre vers de nouvelles possibilités, de nouveaux choix.

 

Rêve :

« Je monte sur un axe vertical, j’ai de très grandes difficultés. Arrivé en haut, m’attendent un plumeau et une pelle à poussière. »

Associations :

« Quand je me sers de mon axe vertical, je ne me sens pas du tout dans la poussière. »

Commentaire :

L’echelle de Jacob, ou Le rêve de Jacob (detail) : William Blake, illustration de la Bible pour Thomas Butts, c. 1799-1807 (British Museum).

 

Ici, le passage est rempli d’ironie : le contraste entre la difficulté de l’ascension et la récompense est un pied de nez à la masculinité du rêveur.
Le rêveur le vit lui comme une remise en question. Il se sent réduit à la salissure de la poussière malgré les efforts de son ascension.. On lui impose de se purifier à l’aide des accessoires de ménage.

Rêve :

« Je vois un passage plein de boue et éclairé par un soleil. Un chemin s’élargit dans la lumière. C’est une traversée. Çà c’est bizarre : je sens que je perds ma boue qui se décolle de moi. Vous êtes là et plus loin. Et vous attendez. »

Associations d’idées :

« Ce qui se produit tout de suite est tout à fait inattendu. Je le sens. »

Commentaire :

Le souhait du rêveur est de traverser les difficultés du chemin boueux (la thérapie) et d’atteindre la rive en état purifié.
A noter qu’une lumière est aussi le diamètre d’un orifice, certain sont toilettables. On pourrait voir ici un rêve de la série obsessionnelle de sujets gardant avec l’analité des liens  névrotiques. 

 

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Butterfly Man, Trudy Askew.

Rêve :

« Je suis dans une tour inconnue, je monte avec une jeune fille sympathique, on monte et on descend. On monte très haut, il n’y a pas de balustrade. Il y a une plate-forme, je recule pour ne pas tomber. Elle va vers le vide et se jette dans le vide. Avant de se jeter, elle a dit : on va se transformer en papillon. Apparaît un jeune homme, il descend, elle est juste blessée. »

Associations d’idées :

« Dans ce rêve, j’ai l’impression qu’on peut se transformer dans ce qu’on veut. On devient ce qu’on veut. »

Commentaire :

Monter et descendre avec une jeune fille ne se souligne pas.
Au delà de ce rêve érotique, le souhait du rêve est bien une transformation. L’image du papillon, ainsi que l’association d’idée du rêveur en sont l’illustration.

 

Conclusion

Les passages sont vecteurs de changements : transformation, purification, et autres… Nous avons noté les traits relatifs aux domaines de la physique et de la chimie, d’autres en relation avec le religieux, et d’une façon plus générale, une purification.

Le chemin que réalise la thérapie peut être houleux, ou douloureux, mais aussi parfois empreint de poésie, comme dans le rêve ci-après :

Rêve :

« J’ai une image de promenade très belle avec vous dans un champ de blé. Il y a une lumière intense. Je vois les tableaux de Van Gogh, « Les Tournesols », tournés vers la lumière. Il me vient à l’idée que la haine doit être sortie et exposée à la lumière pour être fondue. »

Associations d’idées :

« Les choses ne sont pas perdues mais transformées. »

Commentaire :

Ici le rêveur n’est pas acteur du passage : la lumière est la source de la purification. Elle transforme les ressentis haineux, et contraste avec la beauté, le fécond, les couleurs et l’intense du tableau. La poésie de la promenade se marrie intimement avec la beauté du tableau.

On notera ici, comme dans de nombreux rêves, le rôle de passeur ou d’observateur de l’analyste : les rêveurs, en plus du transfert habituel, installent fréquemment l’analyste en idéal de stabilité. Les patients feignent d’ignorer les imperfections de l’analyste. Ainsi érigé de toute sa hauteur sans tâches, il se propose seulement de les accompagner humblement, comme un Charon de ce siècle…

 

Diabolique et rêves

Chez certains patients, des rêves rencontrés isolément laissent interrogatifs sur leur trame profonde. Les fils de cette trame mobilisent chez l’observateur un malaise ; une place est faite à des états de vies obscurs, de la violence, et du mal. Considérés un à un, ces rêves ne font pas saillir une catégorisation utile à leur présentation ,en opposition l’expérience de leur écoute et de leurs traits communs permettent de les associer à une typologie qui prend racine dans l’histoire de l’homme : le diabolique.

DIABLE, DIABOLIQUE

Approche étymologique:

Le terme « diabolique » vient du grec diabolos, composé de dia « d’un coté et de l’autre » : celui qui divise. L’évolution de diabolos a conduit à démon. On retrouve aussi Diabellein, qui, employé au figuré, signifie : désunir, séparer.

Approche biblique :

Lucifer est un ange déchu de sa puissance. Il incarne le mal. Il est aussi le prince de ce monde et porteur de la lumière. Satan se différencie de Lucifer en tant qu’accusateur. Ils se conjuguent dans le démoniaque.

Approche Clinique:

Le diabolique se retrouve aussi dans des cas cliniques : on pense aux exemples des « Possédés du démon« . Le possédé sait qu’il est agi, il se sait possédé. Les manifestations s’illustrent de spasmes, contractures du visage, des viscères, et profération d’insultes.

Au cours des siècles, les possédés ont d’abord été traités par le chamanisme, la magie,  la torture, le feu, et autres pratiques folles se réclamant de Dieu. L’ Inquisition est un exemple. Aujourd’hui des ministres du culte spécialisés proposent des rituels apaisants.

La psychiatrie reste plus efficace et accessible.
Lors d’un diagnostique différentiel, il est difficile de séparer les psychoses dans leurs manifestations extrêmes, de celles attribuées au  diable.
Le traitement, dans son approche psycho-thérapeutique, tente de donner une forme, un nom, un symbole, une histoire, à un corps persécutant intériorisé.

Toutefois certains cas échappent au rationnel du diagnostique.

Soulignons que les manifestations extrêmes des « possédés » sont du registre psychotique (altération de la perception du réel sur tout le champ de la réalité, par exemple : la psychose paranoïaque).

Les rêves ici collectés sont ceux de personnalités névrotiques (altération de la perception du réel sur un champ partiel de la réalité, par exemple : la phobie des grands espaces).

Le diabolique dans les rêves :

Rêve :

« C’est un hôtel. Des terrasses à plusieurs niveaux. Est-on au Maghreb ? Les maisons sont recouvertes de chaux blanche. C’est la tombée du jour. Sur les terrasses, des palmiers maigres. De là où je suis assis, je vois des gens : ce sont des bustes assis, décapités. Plus bas, des gens. Il n’y a pas d’animation. On ne voit pas la tête de ces gens, qui sont comme manquantes. Ils sont habillés de chemises légères, ils ont tous une tunique claire. On ne les distingue pas bien de la chaux blanchie. »

Association d’idées :

« Ce sont des statues plus que des humains. On dirait des statues de Giacometti. Il y a une forme de violence sauvage qui plane sur mon rêve. »

COMMENTAIRE:

La place faite à l’amputation et au manque renverraient classiquement à une angoisse de castration.

La couleur blanche domine. Les protagonistes ont tous la même tenue : ici, l’uniforme est la tenue blanche. La coté statique de la scène, la menace qui plane créent un malaise.

Le diabolique est-il présent ici par l’indifférenciation des individus entre eux ? La « violence sauvage » est-elle aussi l’œuvre du diabolique ?

 

Rêve :

« Je suis dans un monde parallèle, à Antibes, le long de la plage. Il y a quelque chose qui cloche. C’est encore plus urbanisé. Les gens sont standards, pas causants, ils me font des réponses évasives. Plus loin, un temple protestant que je ne reconnais pas. On dirait une secte. Je demande des adresses réelles, et je n’en trouve aucune. Il y a la le sosie d’un pasteur : c’est lui, sans être lui. Il distribue des brochures dans un langage primaire. C’est un langage de secte.
Je rencontre ma sœur décédée, j’ai la même impression, elle n’est pas « réelle. »

 

Sebastien Roche


Association d’idées :
« J’ai l’impression, dans ce rêve, d’être manipulé dans un monde aseptisé. Il y a une mono-pensée. Il y a usurpation de mon référentiel à Antibes. On a imposé un masque pour tous les gens de ce rêve. On a imposé des habitudes, un mode de vie. L’ancien monde a disparu. Ça me fait penser à une pseudo-pensée religieuse, il n’y a rien de personnel rien d’établi sur des textes anciens. Aujourd’hui, on fait tourner le monde autour de trois idées, comme le font les évangélistes et les témoins de Jéhovah. Il y a l’absence de la patine des siècles.
Tout ça me donne l’envie de vivre dans l’originalité, et pas dans des pensées pré-achetées, très primaires, et stéréotypées. On ne peut rien intérioriser. La pensée est pauvre. Les sentiments, atténués. Une pauvreté relationnelle est là. Même l’Architecture est stéréotypée. Ça me fait penser à la banalité qui règne dans les échanges autour de la machine à café de mon travail. Je ne supporte pas l’uniformité, je ne supporte pas de porter des badges. »

COMMENTAIRE :

Le désir du rêve est clairement affiché : vivre dans la singularité, échapper à la stéréotypie et vivre d’un ressenti riche.

On retrouve à nouveau l’uniformité : dans le langage, les habitudes, le stéréotype, le banal. Les individus sont effacés par la pensée sectaire unique et l’inintelligibilité du langage employé. Le pasteur, qui guide la masse, est une tromperie : il n’est que sosie, ne révélant pas sa vraie nature. Qui est le chef?

 

Rêve :

« Je suis dans une pièce ovale vide. Il y a quatre gros cubes alignés, comme pour faire une estrade. Il y a un cube pour chaque pied d’homme debout. Ma fille arrive sur un des hommes, elle lui arrache son pantalon et se sauve en me disant : « Pars ! Pars ! ». »

Commentaire :

Moins accessible, l’imaginaire du Psy donne corps au diabolique de ce rêve, en entendant « incube » prononcé « un cube ». Il y a là, surement, une fantaisie de l’esprit de l’observateur, accroché à la recherche du diabolique jusque dans la phonétique des mots.

Développons :
Incube (phonétiquement : « un cube ») : démon masculin s’unissant aux femmes la nuit.
Succube : pendant féminin de l’incube. Ce sont des démons qui prennent la forme d’une femme pour séduire un homme durant son sommeil et ses rêves. Les succubes ont pour mode d’action la séduction des hommes parfois de façon violente.

Ici, la fille serait la succube, souligné par son intérêt pour le pantalon du mâle.

 

Rêve :

« Dans un autobus, j’étais entourée de trois enfants habillés en uniformes kakis. De plus en plus, je voyais des gens habillés comme ça dont une tante de mon mari. J’allais au congrès de la dépersonnalisation. Dans la salle, les gens étaient tous silencieux et dans un silence total. Ils marchaient. Ils étaient tous sourds et muets. »

Photo REUTERS/Eduard Korniyenko

 

Associations d’idées :
« Ça fait peur. »

Commentaire :

On constate une multiplication silencieuse des individus « uniformisés » : d’abord les enfants, puis « de plus en plus de gens » jusqu’à toucher le cercle de la famille. On pourrait souligner l’insinuation du diabolique au sein de la masse, uniformisant progressivement les individus. Il y a une acceptation de la léthargie générale soulignée par l’absence de singularité de l’individu.

On retrouve de nouveau, l’uniformisation des personnes, de la pensée, et une prise en masse de type troupeau.

 

Rêve :

« Un Arlequin avec son masque noir observe une scène sexuelle. »

[NDLA]
Ce rêve fut rencontré chez trois patients différents dans des temps différents.

Commentaire :

Les associations des trois patients évoquent tous une scène primitive : interprétation de l’observation des rapports sexuels des parents, intriquant fantasmes, réalité et incompréhension.

A noter que, parmi toutes les possibilités d’identification du « voyeur », c’est le costume de l’arlequin que choisit le rêve. Une forme d’uniformisation ?

Le masque noir souligne la place du regard dans le voyeurisme de la scène et la culpabilité du voyeur qui ne veut pas être reconnu alors qu’il la regarde . Le diabolique dans sa forme accusatrice et dissimulée est  présent.

L’ensemble des traits soulignés dans ces rêves, ainsi que leurs associations d’idées sont habituelles lors de l’analyse d’une scène primitive.

Nombre d’individus restent obnubilés par la scène primitive, et reste accrochés au voyeurisme du sexuel.

Ils peuvent ainsi demeurer leur vie durant en tant qu’observateur ou pratiquant dans des situations à trois. Le lien avec le diabolique est – il dans  la répétition de la même scène? L’évolution de l’individu est entravée par cette obsession, comme l’illustre le rêve ci-après

 

RÊVE :

« Un serpent m’enserre le cou. Il m’immobilise alors que je me dirige vers ma partenaire sexuelle. »

Edme Bouchardon, Un des enfants de Laocoon enlacé par le serpent, v. 1723-1724, sanguine sur papier, 52.5 x 40.3 cm, Paris, Louvre.

Commentaire :

Il vit comme une performance les trois rapports sexuels qu’il a quotidiennement : il est conscient de son addiction .

Une croyance gnostique renvoie le sexuel au diabolique. Dans ce rêve, l’obsession porte sur la sexualité : elle serait le moyen du diabolique d’immobiliser l’individu le privant ainsi de toute possibilités d’évolution.

 

RÊVE :

« Des gens sont dans une salle, ils sont tous vêtus de la même manière, ils ont tous une perruque et sous la perruque ils ont tous un crâne chauve. Ils regardent tous dans la même direction.

Un rêve du même ordre :

RÊVE :

« Des hommes portent tous une chemise blanche et un pantalon noir. Ils se pressent pour regarder le même écran. »

Commentaire :

On retrouve l’uniforme. Les apparences identiques des personnes créent un amalgame des individus : l’uniforme efface l’individualité au profit de la masse. On notera aussi que l’accent est mis sur le regard du groupe (troupeau), toujours uniformément orienté dans la même direction .

 

Rêve:

« Je suis dans un grand espace couvert, il y a beaucoup de monde. Les gens sont par groupes de dix à quinze, tous les gens sont identiques entre eux. On met ces groupes par paquets tous identiques entre eux. Passe très vite quelqu’un qui jette à chaque personne un sac en plastique qui à la forme d’une cuvette. Cet objet est destiné à nous réceptionner. Des hommes identiques avec chacun le même étendard se positionnent statufiés en face de chaque groupe. Un homme avec son étendard se met devant chaque groupe. Il se fait un mouvement militaire, tout le monde fait un mouvement identique. »

Associations d’idées:

« Cette mécanicité me fait peur. Mon père militaire parlait souvent d’obéir, si c’est ça le devoir…! Ma mère me disait : ne devient jamais militaire, c’est de la chair à canon. »

La cuvette dans le rêve est elle là pour recueillir l’uniformité de cette chair?

Commentaire :

La conformité à l’ordre reçu ne laisse aucune place à la singularité. Brutalité, mécanique des mouvements, conformité planent. Le diabolique est présent par la prise en masse des individus. On peut être dans la même logique concernant « l’Esprit de corps » exigé des militaires.

 

RÊVE:

« Je marche, traverse une rivière. Sur la rive opposée : des silhouettes immobiles. Je les dépasse, elles demeurent. »

Variantes de ce rêve rencontré plusieurs fois : la silhouette  devient effigie ou mannequin.

Commentaire :

Ce rêve suggère le non être ou des formes atténuées d’être. On ne distingue pas les individus les uns des autres. La sidération est perceptible. Les formes atténuées d’être servent le diabolique : la proie est affaiblie voir sans consistance.

Constat :

On constate des états de « non-être ». Ils s’échelonnent de la dé-cérébralisation à des  pertes d’identité plu ou moins affirmées.

  • Les rêves de mannequins, effigies, sosies, usurpations, anesthésie, illustrent tous une atténuation de l’identité.
  • On constate l’immobilisation des sujets par l’indifférenciation du langage, le mutisme ou encore le silence.
  • La motricité est modifiée par les ordres reçus. Lorsqu’elle est autorisée, la motricité s’effectue par des actes stéréotypés : marche militaire ordonnée et cadencée.
  • L’évolution possible d’une situation est entravée par l’attachement au sexuel et à ses perversions.
  • Rendre une masse uniforme, en effaçant ses singularités facilite le travail du prédateur qui cherche à se saisir de l’ensemble. (exemple : Hitler)

Ces états de « non-être » aboutissent à l’uniformisation des individus. La singularité est rayée, l’identique est le but.
Les rêves relevés sont le reflet de la réalité : constitution de groupes uniformes, abolition de la singularité, enfermement dans un rôle, pensée unique, privation de l’évolution, soumission à un seul, régression pulsionnelle.

La Division est présente. Elle consiste à séparer celui qui a ses caractéristiques propres de ceux déjà dilués dans l’uniformité.       La création de masses  isole le singulier. Le singulier devient la future proie à plonger dans l’identique de ceux déjà affaiblis par le délayage. Le bénéfice d’une telle pratique est d’offrir au prédateur une résistance amoindrie.

Aller plus loin…

On pourrait comparer le diabolique à un concept biologique : le renouvellement cellulaire. Une destruction permanente fait place, ou s’imbrique, à la reconstruction. Une désagrégation serait utile, voire nécessaire au renouveau.

La pulsion de vie serait entre autres un attitude opposée en réaction à la pulsion de mort. Ici le diabolique est identifiée à Thanatos.

On retrouve des concepts similaires en littérature.
Paul Claudel inscrit en tête du Soulier de Satin :
« Etiam peccata. – Saint Augustin »
c’est à dire « tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, même les péchés. ». L’idée que le mal et le bien sont ordonnés. Le mal serait à sa place de manière à mieux faire valoir le bien.

Rappelons que le diabolique est l’incarnation du mal. Saint Augustin dit que la raison (ndla : idéalement exonérée du mal) est une richesse inépuisable ; sur son chemin, l’esprit progresse indéfiniment de lumière en lumière, sans jamais arriver au bout. L’esprit irait de clarté en clarté et purgerait le mal au fur et à mesure de sa recherche.

De plus, nous avons fait une découverte narcissiquement utile :
la rédaction des états de « non êtres » une fois élaborée, une surprise survint par la lecture des textes dont l’extrait suit :

« Pour comprendre la méthode de Saint Augustin, il faut retrouver ce sens de la hiérarchie des êtres. […] Il apparaît avec évidence que tous ne possèdent pas la même qualité, le même degré d’être, et qu’on peut les classer selon la valeur de l’étoffe dont leur être est fait. […] Les autres êtres, créés, révèlent une structure que l’on pourrait appeler spongieuse : comme l’éponge est faite de tissus et de trous, de vides, ainsi les êtres sont faits d’être, et d’une absence, d’un manque d’être, et ils peuvent se définir comme plus ou moins spongieux. […] le mal n’est pas une substance distincte de la réalité bonne ; il est un moins-être, une lacune dans le tissus de l’être. »

  • H-R MARROU. St Augustin.
    Ed. Les Maitres Spirituels. 1999. p.74

Faut-il conclure que le mal est le faire-valoir du bien ?