Aller vers un autre regard

La patiente présente des troubles de la vision : l’impossibilité par exemple d’échanger des regards avec autrui. Elle se cache fréquemment les yeux. Elle a été violée par son père dès sa plus tendre enfance.
Dans son matériel onirique, une obstruction semble limiter ses possibilités de voir au-delà des traumatismes vécus.

« Je vous dis tout de suite avant de raconter le rêve, que la pudeur est en jeu ainsi que le regard. Je ne veux pas vous le raconter. Ça ressortira autrement… »

Rêve :

« C’est moi petite fille. Je suis couchée. J’ai joui. Vous arrivez par derrière moi. Je vous repousse violemment. »

Association d’idées :

« Je relie ce qui s’est passé avec la main et le doigt qui devient énorme. Ça m’a permis de tendre la main. Qui était ce père ? Qu’ai-je vu de lui ?
[…]
Devant tout ça, on ne peut rien dire. Il y a un rapport entre tout ça et la parole. Il y a des séances fermées par le non-dit. Il y a un silence qui est la parole. Un silence au-delà de la parole… Une contemplation au-delà du regard… Un regard vers un autre. Le silence, avec un autre.

D’où-viennent des paroles comme celles-la ? Sortir du constat du doigt énorme, pour aller vers un autre regard. Sauter une étape… Ce qui est entrevu là, me parait au-delà d’où je suis. Je retrouve le temps… ce n’est pas un avenir accessible pour le moment. Il faut passer par le présent. D’autres sont-ils la où je suis ? Je ressens comme le besoin qu’il y en ait d’autres. Il y a un chemin ardu qui va plus loin. Que d’autres le prennent aussi ? »

Commentaire :

Le temps où se situe la patiente est celui de la révélation du secret : le temps du silence est révolu.
On notera la poésie avec laquelle elle évoque comment aborder le secret : « Il y a un silence qui est la parole. Un silence au delà de la parole… ». On peut recouvrir un secret de paroles futiles, ou plus couramment le taire.
S’en suit un regard entravé par le « doigt énorme ».
En se débarrassant de sa cécité partielle, la patiente bénéficie d’un élargissement de sa vision jusqu’à la contemplation (du latin contemplatio lui-même du latin contemplor : « être avec une portion du ciel »).
Au-delà de la contemplation, il y a un avenir proche. La patiente désire parcourir un chemin, de préférence accompagnée.